Sarkozy fait sienne la victoire de l'UMP.

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La droite a transformé l’essai. Après être arrivée en tête du premier tour, l’UMP, alliée à l’UDI, est sortie largement victorieuse du second tour des élections départementales, dimanche 29  mars. Elle est parvenue à inverser le rapport de force avec la gauche, en lui reprenant 28  départements, ce qui lui permet d’en contrôler désormais 67 sur 101. Soit deux sur trois. La vague bleue est bien réelle  : en un scrutin, la droite a repris tous les territoires qu’elle avait perdus depuis les cantonales de 1998. ”  Jamais, sous la Ve  République, notre famille politique n’avait gagné autant de départements  “, s’est réjoui Nicolas Sarkozy, y voyant un ”  désaveu sans appel  ” pour le gouvernement.

Signe de l’ampleur de la victoire  : la droite a réussi à conquérir des bastions historiques de la gauche qu’elle croyait imprenables, comme le Nord et la Seine-Maritime  ; les Côtes-d’Armor, que le PS dominait depuis trente-neuf ans, ou les Bouches-du-Rhône, socialistes depuis 1953. Deux prises de guerre symboliques donnent de l’éclat à son succès  : la Corrèze, terre d’élection du président, François Hollande, et l’Essonne, fief du premier ministre, Manuel Valls. Autres terres de gauche tombées dans l’escarcelle du bloc UMP-UDI  : l’Isère, les Deux-Sèvres, la Charente, le Cher, l’Indre-et-Loire, les Pyrénées-Atlantiques ou l’Allier, un des deux derniers départements gérés par le Parti communiste.

” Couverture “L’ancien chef de l’Etat n’a pas manqué de présenter cette réussite comme la préfiguration d’une victoire de son camp en  2017. ”  Ces résultats dépassent de très loin la considération locale. Les Français ont massivement rejeté la politique de François Hollande et de son gouvernement  “, a-t-il estimé, avant de lancer  : ”  L’espoir renaît pour la France. L’alternance est en marche, rien ne l’arrêtera.  “ Comprendre  : rien ne l’arrêtera sur la route de l’Elysée. Pour ses proches, le président de l’UMP peut légitimement se prévaloir du succès après s’être investi à fond dans la campagne. ”  C’est une victoire collective, mais aussi la victoire de Nicolas Sarkozy  “, souligne ainsi le directeur général du parti, Frédéric Péchenard.

Ses rivaux, eux, ne l’entendent pas ainsi. ”  Personne ne peut tirer la couverture à soi  “, déclare Bruno Le Maire au Monde, en préconisant de ne ”  pas faire preuve de triomphalisme  “. ”  Nous avons beaucoup déçu dans le passé. Le chemin qu’il nous reste pour incarner l’alternative est considérable  “, prévient-il. ”  L’UMP porte désormais une responsabilité très lourde, celle de conduire un projet d’alternance  “, abonde François Fillon, pour qui la victoire ne revient pas seulement à M. Sarkozy mais est ”  d’abord  “ due à ”  la défaite de la gauche  “ et au ”  succès  ” des candidats UMP ”  engagés sur le terrain  “. Même prudence chez le maire de Tourcoing, Gérald Darmanin, pourtant un protégé de l’ex-chef de l’Etat  : ”  On n’a pas encore gagné la présidentielle, car seul un électeur sur deux a voté, et l’électorat populaire ne nous fait pas encore confiance.  “

Les soutiens du président de l’UMP, eux, ne s’embarrassent pas de ces nuances. Pour eux, leur candidat a marqué un point décisif face à ses concurrents internes dans la perspective de la primaire à droite pour la présidentielle de 2017. Et en premier lieu face à son principal rival  : ”  Nicolas Sarkozy a pris un avantage indéniable face à Alain Juppé  “, juge le sénateur Pierre Charon. Sauf qu’en rassemblant son camp et ses alliés centristes pour le scrutin départemental, afin de présenter des candidats communs dans un maximum de cantons, M.  Sarkozy a en fait adopté la stratégie d’alliance de la droite et du centre préconisée par le maire de Bordeaux. Ce dernier n’a pas manqué de le souligner dimanche soir, en saluant ”  la victoire de l’alliance UMP-UDI-MoDem  “ qu’il prône. Une manière de revendiquer une part de la victoire. En retour, les sarkozystes soulignent qu’en Gironde, le département de M. Juppé, les candidats d’union de la droite (UMP-UDI-MoDem) ont été devancés par la gauche. ”  Le problème de Juppé, c’est qu’il met un mot de trop dans l’alliance droite-centre  : le MoDem. Nous, on est plus sur la stratégie d’unité UMP-UDI  “, remarque l’un d’eux.

Quant au positionnement politique, le camp Sarkozy est convaincu que ce succès valide la ligne ”  à droite toute  ” du président de l’UMP. ”  Il apparaît ainsi comme le seul barrage face au FN, selon M. Charon. Cela le rend crédible pour incarner l’alternance.  ” ”  La victoire montre que sa stratégie de parler des sujets de préoccupation sans tabous est la bonne  “, renchérit le député Sébastien Huyghe. La manière dont l’UMP a résisté au FN dans le Var, dans le Vaucluse ou dans l’Aisne en serait la démonstration, selon eux.

” Eau tiède “Pendant la campagne, M.  Sarkozy s’est montré très offensif contre Marine Le Pen, tout en reprenant ouvertement des thématiques traditionnelles de l’extrême droite. ”  Se situer dans une opposition frontale au FN nous permet de nous libérer sur les idées, pour avoir une droite qui ne soit pas un filet d’eau tiède  “, explique le secrétaire général de l’UMP, Laurent Wauquiez. Autrement dit, assumer les valeurs d’une ”  droite décomplexée  “, qui érige les thématiques identitaires et régaliennes (immigration, sécurité, laïcité) comme des priorités, afin de surfer sur l’islamophobie rampante dans la société. C’est dans cet esprit que M.  Sarkozy a proposé d’interdire le voile à l’université et les menus de substitution dans les cantines scolaires, ce qui lui a valu d’être critiqué au sein même de son camp, en particulier par son ex-conseiller Henri Guaino, qui lui a reproché de dresser ”  les Français les uns contre les autres  “ en stigmatisant les musulmans.

Mais pour la majorité des sarkozystes, le débat sur la ligne à adopter pour 2017 est tranché  : il convient de suivre la même stratégie que celle employée lors de la campagne ultra-droitière de 2012, sous l’influence de Patrick Buisson, l’ex-conseiller de M. Sarkozy venu de l’extrême droite. ”  La ligne populaire est celle qui fonctionne  “, résume Brice Hortefeux. ”  Cela marche très bien, donc on n’a pas le choix  : il faut continuer dans cette direction et siphonner les électeurs du FN, comme on l’a fait en  2007. Mais cette fois, il faut même aller plus loin pour être cru  “, préconise M. Charon.

Une stratégie fortement contestée par M. Juppé, convaincu qu’une ligne ”  à droite toute  ” fait ”  le jeu du FN  “. Idem pour M. Fillon. ”  La stratégie qui consiste à siphonner le FN, on l’a suivie en  2007, mais c’est comme les allumettes, cela ne marche qu’une fois  “, met en garde un de ses proches. Ses rivaux soulignent que, à trop se déporter sur sa droite, M.  Sarkozy risque de se couper de l’électorat du centre pour 2017. Qui lui avait déjà manqué en  2012, avec le résultat que l’on sait.

Alexandre Lemarié