L’Italie se penche sur son passé antisémite

 Une exposition organisée au Quirinal évoque les lois raciales imposées en 1938 par Mussolini.

ITALIE Sous le titre « 1938, l’humanité niée », une exposition sur les lois raciales du fascisme vient de s’ouvrir dans les salons du Quirinal, le palais présidentiel italien. Le chef de l’État, Sergio Mattarelia, a voulu cette reconstitution historique comme un « acte de réparation » pour dénoncer les mesures imposées en octobre 1938 par Mussolini, « tache indélébile et page infamante de l’histoire italienne ». Sur une vidéo, un train parti cinq jours plus tôt d’Italie pénètre lentement dans le camp d’Auschwitz. À bord de ce convoi de vingt-huit wagons à bestiaux, un millier de Juifs Italiens, raflés le 16 octobre 1943 dans le ghetto de Rome. Liliana Segre avait 13 ans quand elle a été déportée avec son père qu’elle n’a jamais revu après leur descente du train. Invitée par le président de la République, qui l’a nommée sénatrice à vie en hommage à son action pédagogique dans les écoles, elle a parcouru l’exposition « avec une grande émotion ». Avec le recul du temps, ce qui frappe le plus dans ces lois raciales, c’est que le fascisme a transformé en moins de six mois une société tolérante et même bienveillante à l’égard des Juifs en répandant une propagande virulente de haine et de mensonges. La communauté hébraïque avait obtenu la plénitude des droits politiques, civiques et militaires par décret du roi Charles-Albert de Savoie en 1848. Quand Mussolini prend le pouvoir en 1922, cette communauté se compose de 46656 personnes (à peine un Italien pour mille) à laquelle s’ajouteront bientôt 6500 Juifs étrangers fuyant les persécutions nazies. Un relief particulier A l’époque, des Juifs ont adhéré au fascisme, dont certains des fondateurs du mouvement et son premier ministre des Finances. C’est à partir de 1938 que le Duce, à la recherche d’un ennemi intérieur, commence à ostraciser cette minorité. Le 14 juillet est publié un « Manifeste de défense de la race » signé par cent médecins, psychiatres, historiens, biologistes, anthropologues et même zoologues. Deux mois plus tard, le 18 septembre, devant une foule exaltée de » chemises noires » à Trieste, Mussolini annonce la proclamation des lois raciales qui feront l’objet d’un décret royal bientôt adopté par la Chambre des faisceaux. « L’antisémitisme de Mussolini était original. 11 s’est élaboré de manière autonome, sur de prétendues bases scientifiques ou biologiques », note le metteur en scène Giorgio Treves, auteur d’un remarquable documentaire primé à la dernière Mostra de cinéma de Venise, 1938 Diversi (Différents en 1938). « Alors que Hitler pensait déjà à la solution finale, Mussolini ne songeait qu’d se débarrasser de cette communauté en l’incitant d partir. Son antisémitisme s’est exprimé avec le plus de violence d l’école et d l’université. Au point que le Führer dépêcha ses propres observateurs en Ituhe pour en étudier le fonctionnement », dit-il. Dans un contexte politique actuel marqué par une recrudescence d’actes racistes, ce 80. anniversaire prend un relief particulier. Réunis à l’université de Pise, les recteurs de toute l’ltalie ont demandé pardon à la communauté juive : « Nous devons avoir la force de ne plus jamais obéir d de telles lois. » Liliana Segre s’alarme de la « montée de l’intolérance et de la haine dans toute l’Europe ». Elle a dépose au Parlement une proposition de loi pour créer « un observatoire indépendant » de tous les actes antisémites et incitations à la violence et à la haine raciale. « li est essentiel, dit-elle, d’enseigner aux jeunes comment se comporter et combattre ces phénomènes. »

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