Le petit pas de l’UE contre les drames des migrations.

Les Etats membres ont convenu d’accroître leur aide aux pays de transit et d’accueillir 5 000 réfugiés

Il était, cette fois, impossible pour les responsables de l’Union européenne (UE) de s’en tirer par une pirouette, une déclaration de bonnes intentions ou la promesse d’une action plus énergique ” la prochaine fois “. Un sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement aura donc lieu jeudi 23  avril, à Bruxelles, pour ébaucher une réponse aux drames à répétition survenus en Méditerranée et tenter de limiter l’afflux de candidats réfugiés qui tentent, au péril de leur vie, de gagner l’Europe. Mardi 21  avril, le bilan du naufrage de dimanche a été porté à 800 morts par le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR).

La veille, Malte et l’Italie ont encore dû se porter au secours de deux embarcations qui transportaient de 400 à 500  personnes. Pendant ce temps, à Luxembourg, 28 ministres des affaires étrangères et 13 ministres de l’intérieur ont tracé les contours d’un plan d’action en dix points, qui ne répond pas à toutes les questions, mais a le mérite d’exister. Celui-ci évoque le renforcement des opérations en Méditerranée (” Triton ” et ” Poséidon “), avec un possible doublement de leurs moyens et une extension du mandat et de la zone d’intervention de Frontex, l’agence de surveillance des frontières.

Un ” effort systématique ” sera accompli pour capturer et détruire les embarcations des passeurs, dont le mode d’action sera mieux étudié et contré. Des équipes devraient être envoyées en Italie et en Grèce pour aider ces pays à traiter plus rapidement les demandes d’asile, comme ils y sont contraints par la convention Dublin 2 : elle oblige l’Etat où accoste un migrant à l’accueillir, traiter son dossier et, le cas échéant, le renvoyer. L’idée d’une révision de cette convention a, jusqu’ici, été rejetée par une grande majorité d’Etats (24 sur 28).

Le nouveau plan suggère encore la prise systématique des empreintes des arrivants (c’était déjà une obligation mais elle est souvent contournée), un rapatriement accéléré des personnes déboutées, une aide supplémentaire à des pays de transit comme la Libye ou le Niger, ainsi que le déploiement, dans des pays tiers, d’officiers européens de liaison pour l’immigration. 

Enfin, un test est lancé pour l’accueil de 5 000  réfugiés. Mais l’idée allemande de quotas par pays semble écartée, il s’agirait plutôt d’un engagement sur une base volontaire. Une simple goutte d’eau, compte tenu de l’ampleur du problème humanitaire qui est posé, notamment, par le conflit syrien, mais une opération qui permettra de mesurer le réel degré d’engagement de certains Etats. Le texte adopté lundi est plus précis que la déclaration finale du sommet de décembre  2013, qui avait seulement souligné la nécessité d’éviter les départs vers l’Europe et prônait une ” solidarité appropriée “.

” Devoir moral “

Le commissaire grec à l’immigration, Dimitris Avramopoulos, était, quant à lui, obligé de délaisser les propos généraux qu’il a tenus jusqu’ici sur la nécessité d’une ” stratégie ” européenne, priorité affirmée de la Commission Juncker. C’est lui qui a soumis aux ministres ce plan en dix points qui servira de base aux conclusions adoptées, jeudi soir, par les chefs d’Etat et de gouvernement. ” Les événements nous ont dépassés “, a reconnu le commissaire Avramopoulos, qui promet de publier mi-mai son plan global relatif aux différentes facettes du dossier de l’immigration.

Face à une situation qui pourrait encore s’aggraver, alors que 35 000  demandeurs d’asile ont accosté depuis le début de l’année et qu’au moins 1 600  autres ont péri – selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés -, les dirigeants de l’UE sont bel et bien contraints de mettre fin à dix ans de tergiversations. C’est un ” devoir moral “, a déclaré, lundi, la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, émue et soucieuse que les derniers naufrages ne cessent pas d’impressionner au bout de quelques jours : la catastrophe de Lampedusa (366 victimes en octobre  2013) avait déclenché l’opération italienne de sauvetage en mer ” Mare nostrum “, mais bien vite, elle avait été critiquée parce qu’elle aurait créé un ” appel d’air “. Elle a donc été remplacée par la mission de surveillance ” Triton “. Cet autre drame n’avait, en tout cas, pas engendré de changement notable dans l’attitude de certains gouvernements soumis à la pression de partis populistes, plus soucieux de renvoyer les étrangers que d’accueillir des réfugiés.

Plusieurs questions restent aujourd’hui ouvertes, dont celle du montant exact des moyens financiers, politiques, voire militaires, qui seront effectivement dégagés. On se demande, par ailleurs, si les idées – parfois minimalistes – évoquées lundi trouveront, cette fois, une concrétisation alors que beaucoup d’entre elles, évoquées antérieurement par la Commission de Bruxelles, avaient reçu un accueil glacial.

Enfin, on est contraint de se demander pourquoi les responsables européens ont attendu des catastrophes humaines (pourtant maintes fois annoncées) pour se décider à agir. M.  Avramopoulos élude, se contentant de constater que les Vingt-Huit sont passés à l’action. ” Nous sommes tous responsables : institutions, membres des institutions, parlements, gouvernements nationaux, indique pour sa part Mme  Mogherini. C’est difficile, parfois, d’être un responsable politique. “

Jean-Pierre Stroobants

800

Nombre de victimes du naufrage du 19  avril

Le Haut-Commissariat des Nations unies (HCR) pour les réfugiés et l’Organisation internationale pour les migrations ont réévalué à 800 morts, mardi 21  avril, le bilan du naufrage de dimanche au large des côtes libyennes, après avoir parlé aux survivants. Seules 27 personnes ont pu être sauvées. Il s’agit de la ” pire hécatombe jamais vue en Méditerranée “, selon le HCR.