La ligne à grande vitesse Turin-Lyon sème la zizanie en Italie.

 

Nous étudierons les coûts de toutes les alternatives, y compris celle d’y renoncer» DANILO TONINELLI, MINISTRE ITALIEN DES INFRASTRUCTURES ET DES TRANSPORTSLe train à grande vitesse entre Lyon et Turin verra-t-il le jour ? Rien n’est moins sûr tant les tensions s’intensifient en Italie. Le gouvernement de Giuseppe Conte vient de réaffirmer sa volonté de renégocier à l’automne la participation de l’Italie au chantier ferroviaire Turin-Lyon, alors que celui-ci a fait l’objet d’un traité ratifié en 2016.Intervenant mardi devant le Sénat, Danilo Toninelli, ministre (M5S) des infrastructures et des transports, a confirmé que le tunnel Lyon-Turin, qui représente une part importante des travaux de la ligne ferroviaire, figurait en tête des grands chantiers publics que le gouvernement va scruter. Il sera soumis à « une analyse attentive du rapport coûts-bénéfices. Nous étudierons les coûts de toutes les alternatives, y compris celle d’y renoncer », a précisé Danilo Toninelli. En ajoutant une mise en garde : « Que personne ne signe quoi que ce soit concernant l’avancement des travaux. Notre gouvernement le considérerait comme un acte hostile. »Cela fait deux semaines que le vice-président du Conseil et leader du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, parle presque quotidiennement de remettre en cause ce chantier emblématique, prioritaire pour l’Union européenne. Une attitude qui semble résulter d’un sondage interne réalisé parmi les activistes M5S, lesquels menaceraient de faire défection aux élections européennes de mai 2019 si le projet n’est pas stoppé.Mais l’autre partenaire de la coalition au pouvoir, la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini, est hostile à toute interruption des travaux. De même que les syndicats, prêts à se mobiliser pour défendre un chantier qui créera 4000 emplois. L’ancien gouverneur du Piémont Sergio Chiamparino, un démocrate acquis à la cause du tunnel, se fait fort d’organiser un référendum populaire d’ici à Noël pour le soutenir. Un sondage IPR Marketing montre que 60des Piémontais y sont favorables et que 28 % seulement de la population locale y est hostile.Menace de lourdes sanctions pécuniairesTelt, la société mixte franco-italienne chargée de réaliser le tunnel long de 57,5 km qui permettra de relier les deux villes, a confirmé mercredi au Figaro qu’elle « sui[vait] son planning ». Elle lancera comme prévu dans les prochaines semaines les avis d’ouverture de marché pour trois chantiers représentant 2,3 milliards d’euros.Le tunnel, qui devrait être livré en 2029, a été chiffré à 8,6 milliards d’euros. L’Europe en prendrait 40 % en charge, l’Italie 35 % et la France 25 % (soit 2,2 milliards d’euros). À ce jour, 14 % des ouvrages, soit un engagement financier de 1,7 milliard d’euros, ont déjà été réalisés. Côté français, à SaintMartin-la-Porte, les excavations vont leur train, à raison de 15 m par jour. Une galerie de 4,5 km devrait être achevée d’ici à fin 2019.Un renoncement unilatéral exposerait l’Italie à de lourdes sanctions pécuniaires. Au bas mot, calcule-t-on, 2 milliards d’euros avec le remboursement des sommes avancées par Bruxelles en moins de deux ans. En France, les ingénieurs du chantier interrogés par la presse italienne estiment « impossible » de l’arrêter. Quant au gouvernement, il observe un prudent silence.
Le Figaro. www.lefigaro.fr/