Il m’a recommandé de venir en voiture et expédié les consignes par SMS. « A4 jusqu’à La Ferté-sous-Jouarre. Traverser La Ferté en restant sur la nationale. » Après, ça devenait plus compliqué jusqu’à cette « allée d’arbres » en direction de Gionges. « C’est nous », avait-il précisé. J’ai suivi les instructions à la lettre cherchant dans ces prairies et ces bois traversés ce qu’il voulait faire voir de lui-même, dans le plissement d’un vallon, le secret d’une âme. Il est né et il vit désormais au cœur de ces paysages. Quand ses vies multiples l’ont mené ailleurs, il n’est jamais resté longtemps sans les parcourir.
En chemin, j’ai croisé des silos à grains élancés comme des cathédrales, des églises aux clochers d’ardoise, trapues et tassées sur elles-mêmes. Passé Montmirail, quatre biches ont traversé la route avec un petit toupet blanc au derrière. Champaubert, Montmort, Villers-aux-Bois… La Champagne apparaissait vaste, trouée d’étangs, un peu grise. A Villers-aux-Bois, la longue allée de hêtres nus dont il avait parlé n’était pas difficile à trouver. Daniel Rondeau faisait signe de la main.
Membre de la Gauche prolétarienne
Il y a trente ans, en 1988, un petit livre à couverture bleue paru aux éditions du Quai Voltaire, L’Enthousiasme (réédition « Les Cahiers rouges », Grasset), a décidé de mon admiration. L’incipit m’avait touché au cœur :
« J’ai passé les années les plus vives de ma jeunesse dans une ville triste et étale qui jamais ne m’ennuya. »
Daniel Rondeau faisait le récit de sa révolte qui, au sortir de Mai 68, dont on fêtait alors les 20 ans, l’avait conduit à lâcher ses études pour « s’établir » pendant trois ans dans plusieurs usines de Lorraine. Le but était d’y fomenter sinon la « révolution », du moins quelques grèves. Rondeau suivait en cela un des préceptes de la Gauche prolétarienne (GP), le groupuscule maoïste, auquel il appartenait, était dirigé par le philosophe Benny Lévy. Dans un entretien avec Bernard Pivot, pour « Apostrophes », en mai 1988, Daniel Rondeau expliquait : « C’est la dernière aventure politique du siècle. Une aventure proche du mysticisme. On voulait aller vers les plus pauvres. »
Depuis, il a écrit plus d’une vingtaine d’autres livres – romans, essais, portraits de villes, journal – jusqu’au dernier, Mécaniques du chaos (Grasset, 2017), couronné par le Grand Prix du roman de l’Académie française. Mais c’est le 9 décembre 2017 en l’église de la Madeleine, lorsqu’il a prononcé, cravate et manteau noirs de rigueur, l’oraison funèbre de Johnny Hallyday, que la plupart des Français ont découvert pour la première fois la mèche qui lui barre la moitié du front, son regard acéré, sa voix nasale légèrement tremblée.
La ferme de Commercy, que Daniel et Noëlle Rondeau ont achetée en 1997, est composée de trois bâtiments disposés en U autour d’une cour de gravier. Les deux qui se font face sont destinés à l’habitation : à gauche, les amis, les enfants, les petits-enfants. A droite, le couple et le bureau de l’écrivain. Mais c’est le bâtiment du fond qui intrigue. Un hangar sans fenêtre, une espèce de grange de pierre et de tôle.
« Au début, quand nous avons emménagé ici, je voulais le refaire. Sa vue me gênait. Maintenant je m’habitue. »
Et puis, il a trouvé son utilité. Daniel Rondeau y pratique la boxe de façon sérieuse et régulière. Comme tout ce qu’il fait. Il a pendu deux sacs de frappe rouges et installé une petite salle de gym. Chaque semaine, son entraîneur passe pour corriger sa technique. En échange, il lui parle de ses voyages. L’écrivain a ouvert la porte de la grange. Il faisait sombre et froid. Il s’est mis en garde, a balancé quelques jabs rapides et appuyés dans un des sacs. Le sac a répondu d’un son mat – poc, poc, poc – en se balançant. J’ai essayé. Il n’a pas bougé.
« Mon obsession, ce sont mes livres »
Cinquantenaire de Mai 68, décès de Johnny Hallyday : les bonnes raisons ne manquaient pas de rencontrer Daniel Rondeau. Ce demi-siècle ouvert par les pavés descellés de la rue Gay-Lussac et refermé par la mise en bière d’un chanteur populaire était le sien. Il en a traversé les impasses, les méandres, les combats, changeant de destinée à chaque fois que l’une menaçait d’empiéter sur le seul objectif qu’il se soit vraiment assigné, écrire : « Mon obsession, ce sont mes livres. » « Il a tout misé sur les mots, analyse son éditeur Olivier Nora. Il a fait tapis sur la littérature, cela suppose un équilibre fragile et une vie frugale. »
Pêle-mêle, il a été ouvrier maoïste, journaliste (à Libération, mais aussi pour Le Nouvel Observateur, L’Express, Le Monde, Paris Match, Le Journal du dimanche, etc.), éditeur (Quai Voltaire, directeur de la collection « Bouquins » chez Robert Laffont), engagé en faveur du général Michel Aoun au Liban à la fin des années 1980, organisateur du voyage de Mgr Lustiger à Sarajevo à Noël 1993, soutien des chrétiens d’Orient, ambassadeur de France. Il est aussi le frère aîné du photographe Gérard Rondeau, décédé en 2016. Revenu en Champagne, il y vit sans excès mais satisfait d’avoir construit sa liberté à quelques kilomètres du village où il est né. Ça fait une vie tout ça, non ?
Il a installé son bureau dans une longue pièce sous les combles. Me laissant le fauteuil, il s’est assis sur une petite chaise en bois un peu trop petite pour lui. « Par quoi commence-t-on ? – Mai 68 ? » Rondeau a alors 20 ans tout rond. Mais déjà, le bon élève du lycée, le fils d’instit’ promis à Normale-Sup, l’enfant rêveur qui s’abîmait dans les atlas et courait dans les vignes alentour, ce si gentil garçon à qui son père avait ouvert un compte dans une librairie de Châlons-sur-Marne (rebaptisée depuis Châlons-en-Champagne) a beaucoup changé.
« C’est 68 qui m’a politisé »
Il vit à Nancy, étudie le droit, tremble d’une fébrilité sans objet. « C’est 68 qui m’a politisé », se souvient-il. Avant, il n’est qu’un ado ne sachant où faire porter sa violence et sa hargne. « J’avais le goût de l’émeute, du brasier », dit-il. Mai 68 n’est qu’un début. Alors que la France rentre dans le rang, Rondeau, qui s’est marié avec Noëlle, entre en révolution. L’année suivante, inscrit à l’université d’Assas, il milite à celle de Censier avec la GP. Il fait le coup de poing de-ci de-là, mais la révolution se fait attendre.
Daniel Rondeau
« J’ai trouvé que notre agitation était un peu vaine. » Il prévient Benny Lévy : « C’est l’usine ou rien. » Il choisit la Lorraine, ses aciéries rougeoyantes et ses fumées noires. « Nous avons quitté Paris en 2 CV pour Nancy. J’ai cru que je partais pour toujours. L’usine, ce n’était pas une expérience, une parenthèse. J’ai dit à Noëlle : “Ce qui est dommage, c’est que nous ne verrons jamais la fin de ce que nous avons préparé.” Nous étions sûrs que nous allions mourir en combattant au côté de la classe ouvrière, que ce serait violent. Nous étions obsédés de sincérité. »
Le jeune homme aime avoir les mains calleuses et se lever dès potron-minet pour embaucher à l’autre bout de la ville. Dans les petits matins gelés des faubourgs de Nancy, il imagine sérieusement qu’il prépare le grand soir. Un jour que son père lui rend visite, celui-ci fond en larmes à la vue des ongles noirs de son fils : « Tu gâches tout. » Mais la promesse des lendemains qui chantent est plus forte que le remords filial.
Après plusieurs tentatives de petits boulots où sa qualité d’étudiant est vite démasquée, il est embauché comme manœuvre dans l’entreprise Permali, spécialisée dans les plastiques et les composites. Ce n’est pas l’aristocratie ouvrière des hauts-fourneaux dont il rêvait, mais il s’épanouit avec ses collègues. « Deux immigrés, un vieux qui fêtait ses quarante ans de boîte, des jeunes loubards avec des tatouages, des blousons trop courts et des ventres de vairons, se souvient-il. J’étais vraiment heureux avec ces gens-là. Je les aimais tous. Je les comprenais. Même si je gardais mon objectif en tête : la révolution. »
Au printemps 1973, il touche les premiers bénéfices de son engagement. L’usine se met en grève pendant trois semaines. Mais à la fin, ce sont les CRS qui gagnent. Dénoncé comme meneur par les militants de la CGT, qui n’aiment pas les gauchistes, il est viré. Sa réputation désormais le précède. Le travail se fait plus rare. Un enfant est né, Romain. Peut-on encore rêver sa vie quand il faut la gagner ?
Comme elle était venue, la fièvre disparaît. « Je n’y crois plus tout simplement. L’adrénaline des rêves qui m’avait porté avait disparu. Je n’avais plus le courage. » Il n’est pas le seul. La GP est dissoute. Rondeau devient chauffeur-livreur pour les pharmacies. Un matin, alors qu’il traverse un pont sur la Meurthe, il aperçoit des étudiants qui pagaient en contrebas sur la rivière. « J’ai pensé alors : “Mon vieux, ta jeunesse est finie”. »
Le même jour, passant devant la devanture d’un bouquiniste, il avise un exemplaire de Nœuds coulants, un court récit de Paul Morand. Il l’achète pour 2 francs. Est-ce le titre qui lui rappelle sa condition ? La réputation sulfureuse de l’auteur mise à mal par la collaboration ? Il y a cinq ans qu’il n’a pas lu de livre. « J’ai renoué ce jour-là avec ma vocation initiale. Je l’avais complètement oubliée. » En quelques années, il rattrape le temps perdu. Lit tous les livres possibles, écoute toutes les musiques. « J’ai redécouvert tout ce que je voulais brûler. » Il travaille à un ouvrage sur les mineurs (Chagrin lorrain, Seuil, 1979), une manière d’entrer en littérature sans quitter tout à fait ce prolétariat magnifié. Il se recompose.
Une première interview de Johnny en 1978
« Dis donc, ce serait bien qu’on ait une petite interview de Johnny, il chante ce soir à Nancy », a lancé le rédacteur en chef de Radio Nord Est. Nous sommes en 1978. Daniel Rondeau est pigiste. Il attrape un magnétophone et file à la salle de concerts. Il raconte : « J’arrive en retard, je file backstage et je tombe sur son secrétaire-garde du corps. “Tu veux quoi ?”, me demande-t-il. “Une interview”, je lui réponds. Il éclate de rire : “Il est là derrière cette porte mais il refuse de sortir”… J’insiste tant qu’il finit par entrer dans la loge. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvre. Johnny apparaît. »
Daniel Rondeau à propos de Johnny Hallyday
Assis sur sa petite chaise, quarante ans plus tard, Daniel Rondeau mime la scène. « C’était vraiment la Sainte Face de la “destroyance”. Tout le monde s’écarte sur son passage. Il s’avance à pas lents, très sombre. Personne n’ose lui parler. Je suis assis par terre dans un couloir avec mon Nagra. Je me lève. Il s’adresse à moi : “Mon métier, c’est de chanter pas de parler, passe me voir après le concert dans ma loge.” Après le concert, j’ai fait mon interview. Mais il n’a pas voulu qu’on se sépare. Il m’a emmené dîner dans un restaurant encore ouvert, une sorte de Courtepaille. Je l’intriguais. Je travaillais pour une toute petite radio. J’écrivais un livre. Je lui ai raconté l’usine. Je crois que ça lui a plu. Il m’a laissé son numéro. »
Le futur auteur de Dans la marche du temps (Grasset, 2004), 1 008 pages, et l’interprète de Cours plus vite Charlie, 2,17 minutes. Quel rapport ? Les deux hommes vont pourtant se revoir. Hallyday aime chez Rondeau l’homme de culture. « Il disait que je n’étais pas un journaliste, mais un écrivain, se souvient-il. Tu te rends compte, avait-il lancé un jour à Laeticia, tu peux poser n’importe quelle question d’histoire à Daniel, il a la réponse. » Rondeau admire la puissance brute de l’homme de scène.
« Ce qui m’attirait vers lui, c’était sa dimension poétique de roi tragique. »
Tout comme les chevaliers du Moyen Age avaient leurs chroniqueurs qu’ils embarquaient dans les croisades, Hallyday a-t-il choisi Rondeau pour raconter sa geste ? En 1998, lorsque Le Monde a publié, sous la plume de l’écrivain, un article-fleuve sur la base des confessions du chanteur, certains ont conclu à une opération de promotion orchestrée par sa maison de disques. « En fait, raconte Rondeau, je suis à Paris pour la promotion d’un de mes livres. J’appelle Johnny un peu par hasard. Il me donne rendez-vous dans un restaurant italien de l’avenue Victor-Hugo. Il vient de passer une année sur son bateau. Il porte des dreadlocks. Il me fait de la peine. Je me lance : “Au point où tu en es, tu devrais raconter ta vie…” Il m’a lancé son regard laser. Mais il a accepté. Nous nous sommes entretenus tous les soirs pendant une semaine au bar de l’Hôtel Raphael. »
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Mais il s’en tiendra là. Daniel Rondeau ne veut pas entrer dans la querelle d’héritage en cours. « Pour moi, la page est tournée. Tout ce que je pourrais dire serait inaudible. C’est un homme qui avait des différends avec tous ceux qui l’aimaient. » Il était l’heure de passer à table. Noëlle nous attendait.
Dans le monde des Lettres parisiennes
Le reste est une histoire de coups de téléphone. Le premier en 1982. Serge July, le directeur et fondateur de Libération, est à l’autre bout de la ligne. Daniel Rondeau s’est fait connaître par ses papiers sur des écrivains. Son style, phrases courtes et vocabulaire précis, l’apparente à l’école des Hussards, ces jeunes loups de la littérature des années 1950 et 1960 (Blondin, Franck, Nimier, Nourissier, Déon) qui buvaient sec et se voulaient antimodernes (« Vous êtes un homme de gauche qui écrit comme un homme de droite », avait diagnostiqué Bernard Pivot avec malice). July a une offre : « Je te donne la direction du service culture. » Rondeau refuse : « J’ai un livre à écrire. » July : « Tu fais une connerie. L’histoire ne repasse jamais deux fois le même plat. »
Un an plus tard, Serge July rappelle : « Je t’ai dit une bêtise. En fait, il arrive que l’ histoire repasse les mêmes plats. Mon offre tient toujours. » Daniel Rondeau quitte sa Lorraine. Le militant enragé, le compagnon des jeunes loubards qui faisaient ronfler leurs Mobylette débridées à la sortie de l’usine, s’aventure dans le monde sophistiqué des Lettres parisiennes. « J’ai mis une condition : Deux ans, pas plus. J’avais en tête la phrase de Morand à Nimier : “Pas trop de journalisme.” » En 1986, un autre coup de fil, cette fois de Gérard Voitey, un notaire qui se pique de littérature et le convainc de fonder les éditions Quai Voltaire : « Sur une table du Lutetia, j’ai dressé la liste des trente auteurs que je voulais publier. Il m’a dit : “Je n’y connais rien. Faites comme vous voulez”. »
Février 2008, encore un coup de téléphone. Daniel Rondeau a le goût des détails. « J’étais en voiture du côté de Montmirail [là où j’ai vu traverser les biches]. C’était tôt le matin, j’allais à Paris. Mon portable sonne. “Bonjour, je suis la secrétaire du ministre des affaires étrangères. Est-ce que je peux vous passer le ministre ?” Kouchner me parle : “Est-ce que tu sais que tu vas être nommé ambassadeur ?” Puis la conversation a été coupée. Plus de réseau. J’ai appelé Noëlle. Qu’en penses-tu ? Arrivé à Paris, j’ai déposé un billet au Quai à l’intention de Kouchner. Juste trois mots : “Où ? Quand ? Comment ?” » Les deux hommes s’estiment même si l’ancien ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy ne comprend toujours pas « ces maoïstes qui aspiraient à la servitude » et que l’écrivain réfute désormais le concept de droit d’ingérence.
Ambassadeur investi à Malte
« Quelques mois plus tard, Kouchner rappelle : “Le premier poste qui se libère, c’est Malte. Mais ne le prends pas, on voudrait mieux pour toi.” J’ai répondu : “Tu me donnes un porte-avions au cœur de la Méditerranée. Je le prends”. » Des dents grincent chez les diplomates de carrière, mais Sarkozy n’est pas mécontent d’offrir une ambassade à un ancien gaucho, auteur qui plus est d’un article aussi énamouré qu’échevelé sur son ancien rival Dominique de Villepin. (Le Monde du 4 octobre 2005).
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Diplomate et écrivain… Daniel Rondeau pense alors à Morand, Claudel, Giraudoux, Gary…, ces romanciers qui l’ont précédé dans la Carrière. Imprégné de l’importance de sa mission, il débarque en juillet à l’ambassade de France à La Valette. Il fait une chaleur de fournaise. Sans argent, mais avec le sourire, il pense avoir réalisé là-bas quelques miracles comme l’opération « Ulysse 2009 » quand, à bord du pétrolier ravitailleur de la marine nationale la Meuse, il fait traverser la Méditerranée à une vingtaine d’écrivains francophones et à quelques journalistes pour les débarquer au Salon du livre de Beyrouth ; ou lorsque, après avoir survolé le canal de Sicile à bord d’un Falcon de l’opération « Frontex », il est un des premiers à alerter, dans un papier publié par Le Monde en mars 2009, sur le sort des migrants livrés aux dangers de la mer et à la cupidité criminelle des passeurs.
« Il a fait un excellent boulot, se souvient Kouchner. C’est un type obstiné et fidèle. » Daniel Rondeau : « J’avais l’impression de servir mon pays tous les jours. Je suis passionné par la France. » Nommé en 2011 auprès de l’Unesco, il démissionne deux ans plus tard :
« Ma profession, ce n’est pas diplomate, mais écrivain. »
Un « établi » pour la vie
Nous sommes sortis voir les vignes de la côte des Blancs. Il pleuvait. Au Mesnil-sur-Oger, nous sommes passés devant la mairie-école où il est né. C’est une bâtisse qui semble démesurée pour un si petit village de la Marne. Il est l’enfant de ce pays. A Epernay, une bibliothèque porte son nom. « Ma terre n’est pas une prison, seulement le lieu qui s’imprègne en moi comme métaphore du monde », écrit-il au début des Vignes de Berlin (Grasset, 2006), un récit autobiographique.
De retour à la ferme de Commercy pour prendre congé, j’ai encore posé deux ou trois questions comme on vérifie qu’on n’a rien oublié sur la liste des courses. La politique ? « Je me suis abstenu à la présidentielle. Mais l’effet Macron est positif pour la France. Désormais, on parle avec tout le monde alors qu’avant on ne parlait pas à ceux qui ne nous aimaient pas. »
L’engagement ? « J’essaie de me tenir à l’écart des intellectuels engagés qu’on voit à la télévision. Si j’écris, c’est justement parce que je parle mal. » La foi catholique ? « Il n’y a que Dieu pour nous réconcilier avec les hommes. » La gauche ? « Parfois, je me sens encore à 150 % ultragauche, et d’autres fois conservateur parce que la tradition, c’est la transmission. »
Mais il ne renie rien. « On n’entendra jamais ma voix se mêler à celles qui critiquent Mai 68. J’ai été un “établi” et je resterai un “établi” jusqu’à la fin de ma vie. Je suis fidèle à l’enthousiasme et la sincérité qui m’habitaient alors. » « Et à la générosité », a ajouté Noëlle.
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