Né en Grèce en 1933, Costa-Gavras est un cinéaste franco-grec auteur de nombreux films parmi lesquels Z (1969), L’Aveu (1970), Etat de siège (1973), Section spéciale (1975), Missing (1982). Depuis 2007, il est le président de la Cinémathèque française.
Je ne vous dirai pas ce que j’aurais fait si j’avais eu à voter le 5 juillet en Grèce. Votant en France, je ne me sens pas autorisé à le révéler. En revanche, je veux dire – et tout particulièrement dans les colonnes de ce journal, qui n’a pas toujours été bienveillant à propos de ce qui se passe actuellement en Grèce – tout le bien que je pense de M. Tsipras.
C’est la première fois depuis très longtemps qu’un homme politique de cette qualité dirige la Grèce. Je dirais même que c’est un personnage tout à fait exceptionnel en ce sens qu’il essaye, avec une grande force, de tenir ses promesses. Avouez que, par les temps qui courent, ce n’est pas si fréquent. Imaginez cet homme d’une quarantaine d’années, à Bruxelles, seul, tenant tête à tous les monstres de la politique européenne !
J’ajoute que, dans cette affaire, l’Europe porte une lourde responsabilité. Qui a laissé gonfler la dette grecque pendant des années sans intervenir ? Qui a consenti des crédits illimités sans se demander comment ils pourraient être remboursés ? Qui donc, pendant des années, s’est satisfait du fait que la Grèce est, proportionnellement à la population, le pays d’Europe où roulent le plus de Porsche ?
On a laissé faire, ce qui, évidemment, n’exonère en rien les Grecs de leurs propres responsabilités. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le pays est dirigé par des dynasties politiques et économiques qui se partagent le pouvoir. Résultat : la situation est dramatique.
On me raconte aujourd’hui des choses extraordinaires comme, paraît-il, le fait qu’il n’y a pas de cadastre. Les Européens, Valéry Giscard d’Estaing en tête, ont commis il y a des années une profonde erreur en faisant entrer la Grèce dans la zone euro – Valéry Giscard d’Estaing a fait entrer la Grèce dans l’UE, les Grecs n’ont rejoint la zone euro qu’en 2001 – sans, au préalable, exiger d’elle des réformes profondes. “Platon ne peut pas rester en dehors de l’Europe”, disait-on : la formule était belle, mais elle ne suffisait pas. On voit aujourd’hui à quel point. ”
Propos recueillis par Franck Nouchi