Stanislas Nordey en quête d'" oxygène artistique ".

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Un vent nouveau et frais souffle sur le théâtre à Strasbourg. Stanislas Nordey, 48 ans, nommé à la tête du TNS (Théâtre national de Strasbourg) en septembre 2014 en remplacement de Julie Brochen, peut enfin, mardi 24 mars, présenter son projet pour cette maison qui est la seule, en région, à disposer du statut de théâtre national, et qui fut un des lieux pionniers de la décentralisation.

Et c’est un beau projet. Pas la révolution, non. Stanislas Nordey, qui est un des piliers du théâtre public à la française, à la fois metteur en scène, acteur, directeur (du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis de 1998 à 2001, de l’école du Théâtre national de Bretagne de 2000 à 2012) et agitateur d’idées, a envie de ” faire fructifier cet héritage  “, ce qui implique  une rénovation nécessaire “.

Emblématique de ce ” modèle à réinventer “, son projet a d’abord pour but d’” expérimenter un nouveau modèle de direction “. Nordey aurait aimé au départ ”  une vraie direction collective  “, mais le ministère de la culture s’y est opposé. Directeur officiel, il l’est donc seul, mais s’associe avec une vingtaine d’artistes ” qui participeront à – ses – côtés à l’ensemble du processus de direction “ du théâtre et de son école, l’une des plus importantes en France.

Travail en équipe

Il souhaite que ” la maison soit en permanence sous oxygène artistique “, et a pour cela choisi de travailler avec six metteur(e)s en scène, dix comédien(ne)s et six auteur(e)s, qui ne participeront pas seulement à la programmation, mais à l’ensemble de la vie du TNS. Les metteur(e)s en scène : Julien Gosselin, Thomas Jolly, Lazare, Christine Letailleur, Blandine Savetier et Anne Théron. Les comédien(ne)s : Emmanuelle Béart, Audrey Bonnet, Nicolas Bouchaud, Vincent Dissez, Valérie Dréville, Claude Duparfait, Véronique Nordey, Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond et Laurent Sauvage. Chez les auteurs, deux seulement sont déjà choisis, l’Allemand Falk Richter et le Français Pascal Rambert.

Cette énumération encore incomplète signe le deuxième désir de Stanislas Nordey, celui d’une parité hommes-femmes parfaite au sein des équipes artistiques. ” Je crois qu’il faut être volontariste sur cette question, souligne-t-il. Le théâtre français est très en retard : à la sortie des écoles de théâtre, où la parité est respectée dans le recrutement, deux tiers des emplois sont pour les hommes, un tiers pour les femmes. S’engager à ce qu’il y ait une vraie parité sur les plateaux sera le seul moyen de faire changer le regard en profondeur. “

Volontarisme aussi sur la question de la diversité, sur laquelle le théâtre français accuse également un réel retard. ” Même si ce n’est pas aux artistes de réduire la fracture sociale, nous devons porter notre part de responsabilité “, affirme Stanislas Nordey. Comme Claire Lasne-Darcueil a commencé de le développer au Conservatoire national d’art dramatique, des dispositifs seront donc mis en place par le TNS pour amener vers l’école des jeunes a priori éloignés de l’univers du théâtre.

Les outils d’aujourd’hui

Et volontarisme, encore, sur le terrain de la démocratisation culturelle. Stanislas Nordey ne fait pas partie de ceux qui pensent qu’elle a échoué. Mais il constate qu’elle ” marque le pas “, et qu’il faut ” la relancer avec les outils d’aujour-d’hui, dans une dynamique d’invention. Nous sommes obligés de nous demander pourquoi le public vieillit, pourquoi tous ces jeunes qui viennent assister à des spectacles dans le cadre scolaire ne deviennent pas ensuite des spectateurs réguliers “. Un gros travail sera donc fait avec le milieu scolaire et sur tout le territoire de la région, travail dont le cœur est ce noyau artistique constitué par le nouveau directeur, qui aura pour charge de faire vivre la maison en permanence, y compris hors les murs.

Sur le plan artistique, Nordey est Nordey, il ne se refait pas : il aime le texte, contemporain, lui qui a monté à peu près tous les auteurs importants de l’après-guerre, de Genet à Pasolini en passant par Lagarce ou Handke. Le théâtre de texte contemporain est au cœur de son projet. ” Cela reste très important pour moi d’enfoncer ce clou-là, explique-t-il. A partir du moment où il y a de la parole, il y a de la pensée et donc du sens. Aujour-d’hui, le mouvement de balancier est parti un peu fort du côté du “théâtre de non-texte”. Je trouve qu’il faut faire un pas important pour savoir qui sont les grands auteurs de notre temps, capables de réunir du public. Je vais donc privilégier l’exploration des grands classiques de la deuxième moitié du XXe siècle et la création d’auteurs vivants. “

Dont acte. Lors de la saison 2015-2016, la première qu’il signe comme directeur, Stanislas Nordey créera en binôme avec l’auteur allemand Falk Richter une pièce autour de la figure de l’auteur et cinéaste Rainer Werner Fassbinder, dans laquelle joueront Emmanuelle Béart et Laurent Sauvage. Christine Letailleur et Anne Théron s’attaqueront, chacune à sa manière, aux Liaisons dangereuses de Laclos. Julien Gosselin, qui triomphe depuis des mois avec ses Particules élémentaires, montera un spectacle-fleuve à partir de 2666, le roman monstre de Roberto Bolano. Nicolas Bouchaud créera un nouveau solo à partir du Méridien de Paul Celan… Ça devrait turbiner à plein régime dans la fabrique de théâtre animée par le contremaître Nordey.