Quand Pékin donne des leçons de bouddhisme au dalaï-lama.

Karl Marx peut se retourner dans sa tombe. A l’occasion de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire, à Pékin, un haut responsable chinois a donné des leçons de bouddhisme tibétain au 14e dalaï-lama en personne, dénoncé comme un ” séparatiste “ par le Parti communiste chinois (PCC). Le Prix Nobel de la paix, chef spirituel des Tibétains, qui s’est enfui en Inde il y a cinquante-six ans après un soulèvement avorté contre les Chinois, avait évoqué en  2014 la possibilité qu’il soit le dernier de sa lignée, en raison de la volonté de Pékin de vouloir lui trouver un successeur. Pas question, a déclaré, mercredi 11  mars, Zhu Weiqun, qui s’est longtemps occupé des questions tibétaines. ” La décision de garder ou de supprimer la réincarnation du dalaï-lama dépend du gouvernement central de la Chine, il ne dépend pas de n’importe qui, y compris du dalaï-lama “, a dit l’ancien numéro deux du département du front uni du PCC, chargé des relations avec les Tibétains.

Cette question de la réincarnation du dalaï-lama, âgé de 80 ans, est importante, car, malgré son exil et sa stigmatisation par les autorités chinoises, il est toujours vénéré par les Tibétains en Chine même. Les régions tibétaines sont toujours le théâtre d’une agitation et d’immolations pour protester contre le joug chinois. ” Face à cette question – de la réincarnation – , le 14e dalaï-lama a pris une attitude extrêmement légère et peu respectueuse “, a aussi jugé le responsable chinois. Pékin avait déjà imposé son choix au milieu des années 1990 pour la désignation du panchen-lama, deuxième figure du bouddhisme tibétain, provoquant une polémique.

Le premier ministre du gouvernement tibétain en exil, Lobsang Sangay, de passage à Paris avant une manifestation samedi 14  mars pour commémorer le soulèvement de 1959 contre la Chine, a vivement réagi aux déclarations de Zhu Weiqun. ” Marx avait qualifié la religion d’opium du peuple”, a-t-il confié au Monde, à l’occasion d’une visite à l’Assemblée nationale. Les autorités chinoises ont détruit les monastères du Tibet, envoyé les moines et les nonnes en prison et qualifié le dalaï-lama de diable. Maintenant, elles veulent avoir le dernier mot dans sa désignation. C’est comme si Fidel Castro désignait le pape ou Kim Jong-un un dirigeant bouddhiste “, a ironisé celui qui a été élu en  2011. Sous la dynastie Qing, les empereurs chinois entérinaient les réincarnations du dalaï-lama. Sous Xi Jinping, le PCC a décidé d’aller plus loin. ” C’est des plus étonnants de voir un gouvernement prônant l’athéisme vouloir décider des réincarnations “, juge la tibétologue Katia Buffetrille.

François Bougon