Pékin procède à une dévaluation surprise du yuan.

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Dans un mouvement inattendu, la Chine a dévalué sa monnaie de près de 2  %, mardi 11  août au matin. Cette annonce revient de fait à apporter un coup de pouce aux régions dont l’économie repose principalement sur les exportations – qui ont reculé de 8,3  % sur un an en juillet –, tout en concédant un rôle plus important à la loi de l’offre et de la demande dans l’établissement du taux de change du yuan. Une exigence du Fonds monétaire international (FMI) pour que la monnaie chinoise rejoigne ses devises de réserve.

A la différence des Etats-Unis ou de la zone euro qui laissent le niveau des changes s’établir librement, la République populaire établit administrativement chaque matin un cours pivot autour duquel sa monnaie ne pourra pas varier de plus de 2  %, à la hausse ou à la baisse. Pour établir ce cours avant chaque séance, l’autorité des changes dit sonder les grands acteurs du marché et suivre l’évolution des principales devises. Le yuan a été désarrimé du dollar en  2005. La bande quotidienne de flottement du yuan a ensuite été élargie : d’abord de 0,5  % à 1  % en avril  2012, puis de 1  % à 2  % en mars  2014. Le gouvernement chinois a annoncé, le 24  juillet dernier, qu’il élargirait de nouveau cette bande sous peu.

Effondrement des marchésToutefois, ce processus opaque laisse aux décideurs chinois la liberté de fixer, chaque jour si nécessaire, le yuan au taux qui correspond à leurs objectifs politiques, et parfois contre le sens dans lequel souffle le marché. Dans un communiqué publié mardi matin, la banque centrale chinoise explique qu’elle fixera désormais le cours pivot selon le taux auquel le marché l’aura amené la veille au soir. C’est ce qu’elle a fait mardi matin, plaçant le pivot à 6,2298 yuans contre un dollar, alors que le taux était fixé à 6,1161 la veille, soit un affaiblissement de 1,86  %.

Cette dernière décennie, Pékin avait laissé sa devise s’apprécier largement face au dollar et aux autres grandes monnaies. Une stratégie qui poursuivait deux buts : rééquilibrer le modèle économique chinois en le faisant moins dépendre des exportations et répondre aux critiques de ceux qui accusaient la Chine de sous-évaluer sa monnaie. Sur ce dernier point, le gouvernement avait obtenu un satisfecit du FMI. En mai, l’institution internationale jugeait que le yuan “ n’est plus sous-évalué “.

Mais cette politique d’appréciation de la monnaie chinoise a son revers. Depuis le mois de juin des indicateurs économiques faisant état d’un ralentissement de la croissance et un effondrement des marchés boursiers ont pesé sur le yuan. Le cours de la monnaie chinoise contre le dollar déterminé par le marché des changes était systématiquement autour de 1,5  % plus faible que ne l’établissait l’administration le matin. La Banque populaire de Chine juge mardi que le système de cours pivot a fait dévier ” d’une manière importante et depuis un long moment “ le yuan de son cours naturel. La compétitivité des usines exportatrices chinoises a largement souffert de l’appréciation du renminbi (RMB), littéralement ” monnaie du peuple “, dénomination officielle du yuan. La dévaluation de mardi leur apporte un secours, d’une ampleur toutefois limitée.

La Banque populaire de Chine a en arrière-plan une autre question. Le gouvernement veut avancer rapidement dans le processus d’internationalisation du RMB, qu’il souhaite voir devenir une monnaie de réserve. Aux yeux du pouvoir chinois, le rôle incontournable du dollar dans les échanges internationaux a trop fortement exposé la deuxième puissance mondiale aux décisions de la Réserve fédérale américaine. Une première étape dans ce processus d’internationalisation consisterait à une inclusion du yuan dans ses droits de tirage spéciaux DTS, une unité de compte servant de complément aux réserves de change employée par le Fonds et reposant jusqu’alors sur un panier de quatre devises : dollar, euro, yen et livre.

Or il faut en principe pour accéder à ce club que le pays réponde à deux critères : être un acteur majeur du commerce international et avoir une monnaie librement échangeable. En tant que premier exportateur mondial, le rôle de la Chine dans les échanges internationaux est incontestable. En revanche, le pays restreint encore largement les flux de capitaux et laisse à l’Etat un contrôle administratif sur le cours du yuan.

Le FMI doit passer en revue la question des droits de tirage spéciaux au mois d’octobre  2015. Christine Lagarde, sa directrice générale, a jugé au mois d’avril que l’inclusion de la Chine dans le système des DTS n’est ” plus une question de si mais de quand “. Toutefois, dans un rapport publié le 4  août, le Fonds a jugé que la fixation administrative quotidienne du cours pivot n’est pas appropriée pour une participation au panier constituant cette monnaie de réserve parallèle. En annonçant mardi qu’elle fixera le cours pivot au taux décidé par le marché la veille, la Chine espère convaincre les 70  % des voix au sein du FMI qui seront nécessaires à emporter son inclusion au sein des DTS.

Harold Thibault