Orgue, tableau, vitraux : les pertes patrimoniales de l’incendie de la cathédrale de Nantes

L’orgue monumental de 5 500 tuyaux a brûlé, ainsi qu’un tableau d’Hippolyte Flandrin, mais les flammes n’ont pas endommagé la structure de l’édifice.

Il a été sauvé lors de la Révolution française, a survécu aux bombardements de juin 1944, a été épargné par le grand incendie de 1972, mais, cette fois, il n’a pas échappé aux flammes. Emporté par le feu samedi 18 juillet, le grand orgue de la cathédrale de Nantes n’est plus. « Il a disparu, on ne le retrouvera jamais », se désole Nicolas Toussaint qui, depuis 2002, entretenait cet instrument monumental aux quatre siècles d’histoire. « Ce qui m’importe aujourd’hui, c’est de récupérer quelques éléments pour qu’ils servent de témoignages », espère le facteur d’orgue. Ce joyau composé de 5 500 tuyaux, de 74 jeux répartis sur quatre claviers et d’un très beau buffet du XVIIe siècle est l’une des pertes patrimoniales engendrée par l’incendie qui a envahi l’intérieur de Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, dans sa partie la plus ancienne.

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Le feu a également entièrement brûlé Saint-Clair guérissant les aveugles, une des œuvres majeures du peintre Hippolyte Flandrin, l’un des meilleurs élèves d’Ingres. Commandé pour l’édifice en 1833 grâce à un don d’un bienfaiteur au clergé, ce tableau (de 2,36 mètres de hauteur et 1,35 mètre de largeur) n’avait jamais quitté la cathédrale depuis 1836. « Il était important à plusieurs titres : cette scène biblique avait été réalisée par un grand peintre religieux du XIXe siècle et représentait Saint-Clair, le premier évêque de Nantes, qui a marqué l’histoire de la ville et de sa cathédrale », explique Clémentine Mathurin, conservatrice des monuments historiques à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Pays de la Loire. Si une copie, réalisée par Paul Flandrin, frère d’Hippolyte, est conservée au Louvre, elle est de très petite taille (34 cm sur 19 cm) et ne remplacera jamais l’œuvre détruite.

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Le brasier a aussi totalement soufflé la grande verrière de la façade. « Nous avions trois lancettes ornées du début du XVIe siècle commandées par Anne de Bretagne. L’une représentait Anne de Bretagne et sa sainte patronne, l’autre, sa mère et sa sainte patronne, et la troisième, au centre, le Christ rédempteur, décrit Valérie Gaudard, conservatrice régionale des monuments historiques de la DRAC Pays de la Loire. Dès samedi soir, nous avons commencé à collecter des fragments de vitraux sur la voirie et le parvis et les avons mis dans des sachets numérotés, d’autres doivent sans doute se trouver sur la tribune et la coursive et pourront être récupérés », poursuit-elle.

« Deuxième perte patrimoniale majeure »

Orgue, tableau, vitraux, les pertes les plus importantes restent circonscrites et l’incendie a épargné le précieux tombeau du duc François II et de Marguerite de Foix, parents d’Anne de Bretagne, considéré comme un chef-d’œuvre de la sculpture française. Néanmoins, des stalles et la cathèdre (la chaise liturgique) ont été endommagées. La chute des colonnettes du triforium a nécessité la pose d’étais pour soutenir des éléments de la verrière située au-dessus. « L’étendue de la destruction est relativement limitée comparée à Notre-Dame mais, pour la cathédrale de Nantes, c’est la deuxième perte patrimoniale majeure après celle de la toiture lors de l’incendie de 1972 », constate Pascal Prunet, architecte en chef des monuments historiques dépêché sur place dès samedi. « Les éléments détruits touchent à la mémoire de la Bretagne et des Bretons, ajoute-t-il. Avec des parties du XVe et XVIe siècles touchées. »

Pascal Prunet, architecte en chef des monuments historiques : « Par rapport aux restaurations menées dans l’après-guerre, le chantier à venir n’est ni énorme, ni extrêmement complexe »

Contrairement à Notre-Dame, l’incendie n’a entraîné « aucun risque structurel », souligne-t-on à la direction du patrimoine du ministère de la culture. La cathédrale nantaise tient bien debout, sa façade n’a pas été ébranlée et les conséquences de l’incendie ne nécessitent pas la prise d’un arrêté de péril. « Par rapport aux restaurations menées dans l’après-guerre, le chantier à venir n’est ni énorme, ni extrêmement complexe », considère Pascal Prunet, qui espère qu’il n’y aura pas de problématique liée au plomb présent dans les tuyaux de l’orgue. « Si on parvient à restaurer Notre-Dame en cinq ans, on devrait pouvoir rendre la cathédrale de Nantes au culte d’ici à trois ans », estime-t-il.

Si le tableau d’Hippolyte Flandrin est perdu à jamais, un nouvel orgue et de nouveaux vitraux pourront être réalisés. « A l’identique ou pas, plusieurs options sont possibles », précise-t-on à la direction du patrimoine. Pour l’heure, un « constat d’état » des objets de l’édifice va être mené, dès mercredi 23 juillet, et le laboratoire des monuments historiques sera sur place jeudi pour une expertise. Certains éléments ont déjà été sortis. Ainsi, la chape dite « de l’Annonciation », récemment classée, a été emmenée, dès samedi 18 juillet, dans un atelier de restauration. Pièce majeure du trésor, elle a été « légèrement abîmée », précise Valérie Gaudard, par l’eau des lances d’incendie qui a ruisselé, depuis le sol de la nef, dans la crypte.

 

 

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