Les faits – Le cabinet de conseil stratégique Day One, basé à Paris, a publié ce lundi un étude sur le marché du droit des affaires en Afrique subsaharienne. Un secteur en plein essor qui profite du développement des hydrocarbures et des mines, des fusions-acquisitions et des projets d’infrastructures. Pour en tirer profit, les cabinets juridiques internationaux renforcent leur présence sur le continent.

Cap vers l’Afrique subsaharienne. Dans sa dernière étude que l’Opinion a pu consulter, Day One souligne un réel engouement des avocats d’affaires internationaux envers cette région du monde en raison du boom économique (presque 6% de croissance depuis 2009), de la hausse des investissements étrangers (+19% depuis 2011), des libéralisations en cours et de l’amélioration du climat des affaires. Premier marché, celui des fusions acquisitions (M&A) à l’image du rachat par la China National Petroleum Corporation de 28,7% d’ENI East Africa SPA, plus grosse opération réalisée en 2013, pour un montant de 4,2 milliards de dollars… C’est l’anglo-australien Herbert Smith Freehills qui a représenté la CNPC. Le cabinet, qui a aussi conseillé récemment Danone pour le rachat de Fan Milk international en Afrique de l’ouest, est classé deuxième des opérations de M&A au sud du Sahara avec 13,8 % des parts de marché devant le sud-africain Webber Wentzel (12,9%) et derrière le britannique Linklaters (15%). Ce dernier a réalisé quelque 50 opérations dans le secteur en 2013 en Afrique du sud, de loin le principal marché et la porte d’entrée des cabinets internationaux sur le continent.

Sur les neuf cabinets implantés au Sud du Sahara avec des bureaux propres ou affiliés, la plupart sont dans ce pays. Trois y sont arrivés depuis 2012 : Baker & Mckenzie, Clyde & Co, Allen & Overy. Progressivement, les cabinets d’affaires s’installent dans tout l’Est de l’Afrique à l’image des sud-africains Edward Nathan Sonnebergs (Maurice, Rwanda, Ouganda, Burundi) et de Bowman Gilfillan (Madagascar, Tanzanie, Ouganda, Botswana, Nigeria, Kenya). Ils profitent du développement de la finance, de l’agroalimentaire et de la distribution (trois secteurs qui représentent aujourd’hui la moitié des activités de M&A), de l’essor des activités minières, gazières et pétrolières et du boom des d’infrastructures.

Les activités de contentieux et d’arbitrage se développent aussi devant les tribunaux d’arbitrage d’Abidjan et de Maurice. A l’avenir, les grandes banques et enseignes devraient davantage recourir au service des cabinets internationaux pour formaliser leurs implantations qui visent à répondre à l’émergence d’une classe moyenne estimée à plus de 200 millions de personnes.

L’Afrique francophone accuse du retard. Seul l’américain Orrick et Herrington & Sutcliffe LLP tente d’y faire une percée à Abidjan à travers un partenariat avec un cabinet local de conseils juridiques. Une dizaine de ses cadres sont déjà sur le terrain pour accompagner leurs clients dans les grands projets miniers et énergétiques comme le barrage d’Inga en RD Congo. Mais son implantation est contestée par ses concurrents locaux. «Beaucoup de barreaux nationaux font du lobbying pour empêcher ces implantations car ils ont peur de perdre leurs clients, indique Daniel Vamos-Fecher, analyste de Day One. Mais la tendance ira inévitablement à la libération des activités juridiques. De grandes économies comme le Nigeria et le Kenya y réfléchissent déjà».

En attendant, des avocats étrangers, notamment belges et français, s’enregistrent individuellement dans les barreaux locaux. Dans la pratique, cabinets locaux et internationaux coopèrent toutefois sur les dossiers. «Les grosses structures ont besoin d’expertise locale pour conseiller leurs clients, souligne Hubert Segain, associé d’Herbert Smith Freehills à Paris. Notre stratégie est de choisir nos partenaires en fonction de leur spécialité. Il est rare qu’un cabinet africain rassemble toutes les compétences, donc il vaut mieux chercher les meilleurs pour des opérations spécifiques». Des perles africaines de plus en plus convoitées en Afrique du sud, au Nigeria et au Ghana.

En région francophone, le tiercé gagnant des meilleurs juristes se trouve en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal. Le retour d’avocats de la diaspora qui ont fait leurs armes en Occident a considérablement amélioré l’expertise. Au Ghana et au Nigeria, des cabinets se sont dotés de départements RH qui commencent à offrir plusieurs spécialités. Certains cabinets africains ont même envoyé des représentants dans les places financières mondiales comme le ghanéen Oxford & Beaumont Solicitors, présent à Londres, et le Congolais Emery Mukendi Wafwana & Associates qui a ouvert des bureaux à Johannesburg, Brazzaville et New York. «On va vers une libéralisation progressive des activités juridiques, indique François de Senneville, avocat associé responsable du desk Afrique chez Lazareff Le Bars, spécialisé dans l’arbitrage et le conseil fiscal. Maurice, avec sa diversité culturelle et linguistique et son ouverture aux affaires, est un bon modèle à suivre pour les économies subsahariennes. D’ailleurs, nous prévoyons d’y ouvrir un bureau en 2015».