Même au PS, on n’en espérait pas tant. Donné perdant il y a encore quelques semaines, le PS est en mesure de conserver son siège de député dans la 4e circonscription du Doubs, où le premier tour d’une élection législative partielle était organisé, dimanche 1er février, après le départ de Pierre Moscovici à la Commission européenne.
Frédéric Barbier, le candidat socialiste, est arrivé en deuxième position, derrière Sophie Montel, la candidate FN. Celle-ci récolte 32,6 % des voix contre 28,8 % pour M. Barbier. A la surprise générale, Charles Demouge, le candidat de l’UMP, arrivé en troisième position avec 26,5 % des voix, est éliminé.
La campagne du PS, qui a capitalisé sur la bonne gestion du gouvernement après les attentats des 7, 8 et 9 janvier, semble avoir porté ses fruits. De nombreux responsables socialistes ne cessent de vanter la ” fierté retrouvée ” de la base. Un effet de ” l’esprit du 11 janvier ” invoqué par Manuel Valls, venu apporter son soutien à M. Barbier mardi 27 janvier ? Pas si sûr.
Le FN est tout de même arrivé largement en tête (4 points d’avance) et le scrutin a été marqué par une forte abstention, peu étonnante dans le contexte d’une partielle : 60,4 % des inscrits ne se sont pas déplacés. De plus, le PS perd environ 10 000 voix par rapport au scrutin législatif de 2012. ” Vu les circonstances, on aurait dû être éliminés. Ça montre qu’il y a un effet de remobilisation. Mais ça ne règle pas tous les problèmes, on a perdu la moitié de nos voix “, concède au Monde Christophe Borgel, député de Haute-Garonne, et ” M. élections ” au PS.
Soulagement
Au foyer municipal d’Audincourt, la plus grosse commune de la circonscription, Frédéric Barbier et ses soutiens étaient d’ailleurs très inquiets en voyant tomber les mauvais chiffres de la participation en fin d’après-midi. La mine déconfite, Martial Bourquin, sénateur PS et maire de la ville en était sûr : les choses s’annonçaient mal pour son champion. Mais à mesure que la soirée avançait et que les résultats arrivaient, les socialistes reprenaient des couleurs. En annonçant sa qualification pour le second tour, M. Barbier n’arrivait pas à cacher son soulagement. Il a immédiatement appelé au ” rassemblement le plus large des vrais démocrates et des vrais républicains “, une façon de tendre la main à tous les électeurs de gauche mais surtout à ceux de l’UMP. Car, si le candidat PS bénéficie d’une réserve de voix à gauche – environ 8 points -, pour l’emporter il lui faudra séduire une partie des électeurs de M. Demouge. Ceux-là mêmes qui sont convoités par le FN.
” Un duel avec le PS ? C’est le scénario rêvé ! “, commentait Sophie Montel, sourire aux lèvres, en sirotant dimanche soir un verre de jus d’ananas. Au FN, il y avait peu de doute : dès avant 19 heures, on ouvrait les bouteilles pour fêter la pole position annoncée de sa championne. il est vrai que se retrouver devant le PS ouvre au FN des perspectives. Sophie Montel est persuadée qu’une partie de l’électorat UMP ” préférera voter pour – elle – plutôt que pour le PS “,et qu’elle arrivera à séduire les abstentionnistes.
Dès lors, il lui est permis de rêver devenir au soir du 8 février la troisième députée FN, aux côtés de Gilbert Collard (Gard) et Marion Maréchal-Le Pen (Vaucluse). Pour y parvenir, Mme Montel, qui en est à sa quatrième participation à une législative dans cette circonscription, ne va pas changer de stratégie : une campagne discrète axée à la fois sur le combat ” contre le péril islamiste ” ainsi sur les questions économiques et sociales.
Mme Montel assure qu’elle s’attendait à ce résultat. ” Le candidat de l’UMP a été mauvais durant toute la campagne, il accumulait les bourdes “, dit-elle en dévoilant le surnom qu’elle avait donné à M. Demouge : ” gagman “. ” C’est très bien qu’il dégage “, insiste cette adhérente frontiste depuis 1987, élue députée européenne en 2014, tout en caressant Raoul, le bouledogue d’un militant, devenu ” mascotte de la campagne “.
Ni PS ni FN
M. Demouge a changé plusieurs fois de position quant à son attitude par rapport au FN. Il a, dans un premier temps, assuré qu’en cas de non-qualification il appellerait à voter PS. Puis, dans les colonnes du Monde, il est revenu sur ses déclarations en défendant le ” ni PS ni FN “. Surtout, le candidat de l’UMP a eu cette déclaration au micro de BFM-TV : ” Ce sont les bons petits blonds qui m’emmerdent, pas les gens qui viennent de l’immigration. ” Une phrase que les militants FN ne se sont pas privés de rappeler.
Pour Mme Le Pen, le second tour rebattra les cartes à droite et à l’extrême droite. ” On verra les divisions internes à l’UMP entre les partisans du «ni-ni» et ceux du «front républicain». Cela va clarifier les choses, notamment au sein de l’électorat UMP “, déclare-t-elle au Monde. Selon la présidente du FN, l’élimination du candidat UMP signe un ” échec pour Nicolas Sarkozy “. ” Il se présentait comme le sauveur, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas convaincu. ”
Rue de Solférino, on n’est pas mécontent de voir Nicolas Sarkozy sommé de choisir. Et on ne se prive pas de lui mettre la pression. ” C’est très difficile pour lui de laisser passer le FN, estime Jean-Christophe Cambadélis,le premier secrétaire du PS. L’UDI vient d’appeler à voter pour nous. Je pense que Sarkozy appellera ou laissera appeler localement au front républicain. ” Moins de deux mois avant les départementales, le second tour donnera une idée du positionnement de l’UMP face au FN. Et, plus important encore, du comportement de ses électeurs.