De La Fosse, peintre de Versailles

  

L’exposition consacrée au coloriste souligne la restauration des salons

Au château de Versailles, l’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse (1636-1716), contemporain de Louis XIV (1638-1715), accompagne la campagne de restauration des grands appartements royaux  ; le coeur même du palais, dont les décors datent du Roi-Soleil. Notamment ceux du coloriste, Charles de La Fosse, élève de Le Brun, qui travailla sans relâche jusqu’à 80  ans passés, des Tuileries aux Invalides, de Marly à Meudon, dans les demeures royales et pour la noblesse – à Vaux-le-Vicomte, à l’hôtel Lambert, à Paris.

”  Les travaux étaient nécessaires, d’autant que les restaurations anciennes avaient vieilli. Il est important que Versailles soit l’éclatement de la couleur et des ors, s’enflamme Béatrix Saule, directrice-conservatrice générale du Musée national des châteaux de Versailles et du Trianon, qui oeuvre sur place depuis plus de trente ans. On a fait le pari de tenir le rythme d’un grand salon en chantier par année. C’est exigeant, y compris pour le financement, 2  millions d’euros par salon de 100 mètres carrés. Il s’agit d’une restauration fondamentale concernant les peintures, stucs, marbres, tentures, mobilier.  “

La foule des artisans

Le Grand Couvert,les salons de Mercure, d’abondance et d’Apollon ont retrouvé leur lustre. Bientôt la salle des gardes de la reine, avec ses lambris de marbre, sera concernée. Suivront les salons de Diane, Mars, puis ceux de la guerre et de la paix. ”  A l’horizon 2020-2021, toute la partie d’apparat sera restaurée, précise Béatrix Saule. Dans les grands appartements, on a l’empreinte de Louis XIV, dans les appartements privés, celles de Louis XV et de Louis XVI.  ” 

Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. Les bronzes ont retrouvé leur place, mais les oeuvres des maîtres flamands, italiens et anglais, confisqués à la Révolution française et qui sont au Louvre, manquent. ”  Jean-Luc Martinez est très ouvert  “, confie Béatrix Saule, qui espère le retour des trois tableaux illustrant la légende d’Hercule, de Guido Reni. Le quatrième étant resté in situ. L’ensemble avait été acquis par Louis XIV en  1662.

C’est à Charles de La Fosse que le roi confie la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor.Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier, représenté par quatre continents – de La Fosse signe l’Amérique et l’Asie, attribution confirmée par la récente restauration, ainsi que la voussure où il met en scène Auguste bâtissant le port de Mycènes. L’effet, vertigineux ascendant baigné de lumière dorée, est sa marque de fabrique. Une manière influencée par l’Italie, où il séjourne de 23 à 28  ans. Ces scènes mythiques et historiques sont enrichies à l’envi de stucs dorés. Et agrémentées de boiseries, miroirs et lambris de marbre pour servir l’ostentation royale.

L’élève incarne, après le maître, le plus versaillais des artistes, par sa longévité, et le plus significatif, car il sert aussi le penchant très pieux du roi  : le Christ Rédempteur de l’abside dans la chapelle, c’est lui encore. Avec le Sacrifice d’Iphigénie, dans le salon de Diane, où l’ingénue au visage poupon dévoile ses seins nus, il est ”  le frisson moderne  ” dont parle l’historien Jacques Thuillier, annonçant la transition du XVIIe  siècle austère et puritain vers un XVIIIe coquin et sensuel.

Chez de La Fosse, le pinceau l’emporte sur le trait. Le parcours versaillais propose une démonstration pertinente  : il s’agit de commencer par les 40  dessins, esquisses et tableaux que l’on voit de très près, avant de découvrir les réalisations magistrales, tout juste restaurées, qui illuminent les salons d’apparat du château.

Florence Evin