Congrès du PS : la synthèse, malgré tout.

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Il est de tradition au Parti socialiste de faire durer le suspense – même artificiel – le plus longtemps possible. En vue du congrès du parti à Poitiers, en juin, les différentes écuries ont toutes attendu la date limite, samedi 11  avril, pour déposer leurs textes et leurs listes de signataires. La principale incertitude reposait sur la composition de la motion de l’actuelle majorité. Le ralliement – attendu, mais de dernière minute – de Martine Aubry fournit au premier signataire Jean-Christophe Cambadélis les clés d’un large rassemblement, qui comprend également Manuel Valls et les proches de François Hollande. ”  Nous avons construit un texte avec un accord sur le fond, a expliqué la maire de Lille lors d’une conférence de presse vendredi. Il s’agit d’une motion préparée en commun, où personne ne s’est rallié à l’autre, où personne n’est passé sous le tapis.  “

Pourtant, il a bien fallu se mettre d’accord. Les négociations ont été longues et ardues. En plus de l’élaboration du texte commun, chaque courant a demandé à être représenté à sa juste mesure dans les futures instances. En effet, le congrès détermine la composition du conseil national (le parlement du parti), du bureau national (l’espace de délibération) et des fédérations départementales, au prorata du score des motions. ”  On a répondu qu’il fallait d’abord gagner le congrès pour mesurer ensuite le rapport de force, explique un membre de la direction du PS. Plus on gagnera largement, plus il y aura de postes à attribuer.  “

Avec le soutien de près de 80 premiers secrétaires fédéraux, l’actuel premier secrétaire apparaît en position de force, face à une motion de l’aile gauche et des frondeurs réunie derrière Christian Paul, et une autre intitulée ”  La fabrique  “, portée par Karine Berger.

” Belle alliance populaire “Dans l’entourage de François Hollande, on est certain que la majorité ne basculera pas à l’issue du congrès. ”  On ne sent pas un parti prêt à renverser la table contre ses élus  “, explique un proche du chef de l’Etat. Pour M. Cambadélis, cette grande synthèse est la garantie d’échapper à un congrès de référendum sur la politique gouvernementale. ”  Ce ne sera pas la revanche du débat parlementaire perdu, mais bien le congrès du renouveau, veut-il croire. Il s’agit bien ensuite de réussir la fin du quinquennat par l’inflexion de l’égalité, et pas de renverser le gouvernement ou de renoncer au redressement. Enfin, le PS restera l’initiateur majeur d’une belle alliance populaire et non l’acteur mineur d’une gauche mélenchonisée.  “

Le texte de sa motion – une quarantaine de pages que Le Monde a pu consulter – s’intitule ”  Le renouveau socialiste  “. M.  Cambadélis avait jeté une première trame, à laquelle il a ensuite intégré, jusqu’à la dernière minute, des amendements de l’ensemble des parties. ”  Ce n’est pas simplement un compromis entre plusieurs sensibilités, assure-t-il pourtant. Il y a un récit, celui du dépassement du PS.  ” La structure du texte s’appuie sur un double constat  : celui de la perte d’hégémonie culturelle de la gauche, qui nécessite la refondation d’une nouvelle social-démocratie  ; et celui de l’absence de résultats tangibles pour les Français malgré des frémissements de l’économie, qui appelle un soutien plus volontaire à la reprise de la croissance.

Sur les questions économiques, le texte ne remet évidemment pas en cause les grandes orientations du gouvernement, comme le pacte de responsabilité ou la réduction des déficits. Il renvoie une éventuelle inflexion de ligne à l’évaluation de l’impact du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui a été annoncée par le gouvernement  : ”  Les engagements ne semblent pas, à ce stade et par toutes les branches professionnelles, respectés. Si cette situation est confirmée par l’évaluation nationale, nous estimons que les 15  milliards du pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics.  “ Il demande en revanche, comme le PS le fait depuis trois ans, une véritable réforme fiscale, ”  pour jeter les bases d’une fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG  ”  : ”  Pour les ménages, nous souhaitons que le chantier de l’impôt citoyen soit engagé dès le projet de budget pour 2016 par un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et une réduction de la CSG sur les premières tranches de revenus.  “

Mais pour éviter que le congrès se focalise trop sur les questions économiques qui divisent le PS, M.  Cambadélis aimerait mettre l’accent sur ce qu’il nomme dans son texte ”  la belle alliance  populaire  ” qui ”  unit tous les progressistes  “. L’artisan dans les années 1990 de la gauche plurielle retrouve là son domaine de prédilection, prônant un ”  dépassement citoyen  ” des ”  cartels électoraux  “. Il appelle, comme il l’avait déjà fait dans les états généraux, à une ”  fédération unitaire  “ de la gauche, et plaide au PS pour une ”  nouvelle social-démocratie  “. Autant de grands objectifs sur lesquels les signataires de sa motion de synthèse n’auront aucun mal à se retrouver, à défaut de s’accorder sur les moyens de les atteindre.

Nicolas Chapuis