A l'UMP, l'autorité de M. Sarkozy ne s'impose plus.

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Ni compris ni suivi. A la tête d’une UMP tiraillée par la question clé de son rapport au Front national, Nicolas Sarkozy espérait imposer son leadership, incarner le chef au-dessus de la mêlée capable de réconcilier sa famille politique autour d’une ligne commune. Il n’en a rien été. Mardi 3  février, le président du parti a été désavoué par ses troupes. Obnubilé par le rassemblement, l’ancien chef de l’Etat avait pourtant décidé de faire des compromis pour réunir sa formation, profondément divisée depuis dimanche 1er  février sur l’attitude à tenir au second tour de la législative partielle dans le Doubs, qui oppose un candidat socialiste et une frontiste.

Au bout de quarante-huit heures de tergiversations, les ténors de la rue de Vaugirard ont tranché pour le ”  ni-ni  ” (ni PS ni FN), à l’issue d’un bureau politique tendu, contre l’avis de leur président. Après plus de deux heures de débat, M.  Sarkozy a dû se résigner à faire voter la quarantaine de participants sur deux textes. Le premier, défendu par Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, Bruno Le Maire et Jean-François Copé, prônait l’abstention ou le vote blanc. Il l’a emporté par 22 voix contre 19 face au second, qui invitait les électeurs à choisir entre un vote pour le candidat du PS, un vote blanc ou l’abstention.

Manque de clarté

Cette option, soutenue par Jean-Pierre Raffarin, Nathalie Kosciusko-Morizet, Gérard Larcher ou Dominique Bussereau, avait la préférence de M. Sarkozy. Bien qu’il n’ait pas pris part au vote à main levée, il avait créé la surprise en plaidant pour ce texte appelant à faire clairement barrage au FN, quitte à voter en faveur de la gauche. Une position censée faire la synthèse entre le vote PS défendu par Alain Juppé et le strict ”  ni-ni  ” prôné par les plus droitiers de son camp.

Mais le manque de clarté de sa position n’a pas convaincu. Il n’a pas réussi à imposer sa stratégie électorale. Le parti est revenu à celle du ”  ni-ni  ” que M. Sarkozy avait lui-même mis en place lors des élections cantonales de 2011, sous l’influence de Patrick Buisson, son ancien conseiller venu de l’extrême droite. Un comble.

Plutôt que de s’aligner sur les positions les plus droitières de l’UMP, l’ancien chef de l’Etat a surtout cherché à endosser le costume du rassembleur en chef d’une formation, qui ”  risque l’explosion  “, selon ses propres termes. ”  Je suis dans une tentative de conciliation car ma responsabilité, c’est que tout le monde se sente bien au sein du parti  “, a-t-il insisté pendant la réunion. “  Il veut avant tout pacifier avant de refaire de la politique  “, confie son entourage. Quitte à se retrouver mis en échec et à se retrouver à contre-courant des sympathisants UMP, dont deux tiers soutiennent le ”  ni-ni  ”  ? ”  Nicolas Sarkozy a toujours accepté le débat et de ne pas être majoritaire. Il se voit plus comme un chef d’orchestre  “, tente de relativiser Daniel Fasquelle, trésorier de l’UMP.

La réalité, c’est que le leader incontesté de la droite entre 2004 et 2012 n’arrive plus à imposer sa ligne et à faire parler l’UMP d’une seule voix. Une faiblesse majeure au sein du parti de la droite, où le culte du chef a toujours dominé. Depuis dimanche soir, le principal parti d’opposition affiche ses divisions sur la place publique. Chaque dirigeant, guidé par ses intérêts personnels, fait valoir sa position sans se préoccuper de l’intérêt collectif. Sans que le président ne parvienne à mettre un terme à la cacophonie ambiante.

L’incapacité de l’ex-président de la République à faire régner l’ordre en interne écorne sérieusement son autorité. Certains dirigeants osent même critiquer publiquement son manque de poigne  : ”  Nicolas Sarkozy cherche à tout prix à rassembler tout le monde mais par moments, quand on est un chef, il faut décider  “, a pesté Thierry Mariani sur I-Télé.

L’ancien ”  hyperprésident  ” s’est pourtant démené pour vendre sa stratégie. Lors de la réunion des députés UMP, mardi matin, il avait préconisé de dire ”  non au FN  ” et de laisser les électeurs libres de leur choix, tout en refusant d’appeler à voter PS. Cette tentative de synthèse, jugée illisible, est accueillie fraîchement par ses troupes à l’Assemblée. Bruno Le Maire, lui, est applaudi trois fois lorsqu’il défend un ”  ni-ni  ” de combat face au PS et face au FN. Le contraste est saisissant.

Homme de la synthèse

Entre deux prises de parole, le président de l’UMP se rend compte de la division de ses troupes, qui étalent leurs divergences. Lorsque Nathalie Kosciusko-Morizet défend sa position en faveur du front républicain, une députée lui envoie un conseil acide  : ”  Tu ferais bien de sortir de Paris.  “ Quand Dominique Bussereau explique qu’il faut appeler à voter socialiste, le copéiste Jean-Pierre Gorges, député d’Eure-et-Loir, lâche comme une insulte  : ”  Udéiste  !  “. ”  Je te rappelle qu’il y a des centristes à l’UMP, connard  !  “, lui répond le député de Charente-Maritime, proche de Jean-Pierre Raffarin. ”  Bon dieu, si la stratégie du ni-ni avait fonctionné depuis toutes ces années, ça se saurait… Je ne m’énerve pas, j’explique  !  “, rétorque M. Sarkozy, qui découvre les joies de la navigation entre les courants.

Habitué à le voir trancher, le marigot des parlementaires UMP découvre avec étonnement leur président tenter de devenir l’homme de la synthèse. Dans les couloirs de l’Assemblée, ses fidèles s’irritent de voir leur candidat reprendre la méthode de gouvernance de François Hollande à la tête du PS. ”  Le consensus mou, ça n’existe pas…  “, s’agace par exemple le député des Hauts-de-Seine, Patrick Balkany. ”  Le propre d’une position de synthèse, c’est qu’elle n’est pas simple, pas blanche ou noire, mais elle est habile  “, relativise Dominique Dord, député de Savoie.

Une certitude  : le chemin de la reconquête de l’Elysée s’annonce plus accidenté que prévu pour M. Sarkozy. ”  Il s’aperçoit que le soutien des députés UMP ne va pas de soi, qu’il doit jongler avec les positions différentes des chefs à plumes, observe Philippe Gosselin, député de la Manche. Forcément le grand écart, ça tire un peu au niveau des adducteurs.  “

Matthieu Goar, et Alexandre Lemarié