A 102 ans, une Allemande passe sa thèse refusée par les nazis en 1937.

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Il est des titres universitaires qui honorent tout autant ceux qui les remettent que les récipiendaires. Celui de docteur que l’université de Hambourg a attribué, mercredi 13  mai, à Ingeborg Rapoport est de ceux-là.

En permettant une nouvelle fois à cette femme âgée de 102 ans de présenter le travail universitaire qu’elle avait achevé en  1937, l’université n’a pas seulement consacré un médecin à la vie exceptionnelle. Elle a surtout réparé une faute morale, commise il y a près de quatre-vingts ans. ”  C’est une question de principe  “, a résumé la centenaire, devenue par la même occasion la thésarde la plus âgée du monde.

Née en septembre  1912 au Cameroun, à l’époque colonie allemande, Ingeborg Syllm est élevée à Hambourg, là où sa famille protestante s’installe peu après sa naissance. Etudiante en médecine, elle prépare sa thèse sur un sujet à l’époque d’importance primordiale  : la diphtérie. Mais, lorsqu’elle veut soutenir celle-ci, en  1938, les autorités nazies mettent leur veto, ”  pour raisons raciales  “. Sa mère, la pianiste Maria Syllm, n’est-elle pas d’origine juive  ? En  1938, Ingeborg émigre aux Etats-Unis, devient docteur, se spécialise en pédiatrie et épouse le docteur Samuel Rapoport.

En  1952, nouvelle émigration forcée, cette fois pour des raisons politiques. Communistes, Ingeborg Rapoport et son mari doivent émigrer, de peur de subir les foudres du maccarthysme. Le couple et ses quatre enfants partent pour l’Autriche puis pour l’Allemagne de l’Est. Samuel Rapoport devient biochimiste à la Charité, le grand hôpital de Berlin-Est. Ingeborg Rapoport poursuit sa carrière de pédiatre et devient, en  1969, titulaire de la chaire de néonatalogie à la Charité. Une première en Europe. Les autorités de RDA lui attribuent alors plusieurs récompenses. ” Le thème était dans l’air. Quelques mois plus tard, une deuxième chaire a été créée ailleurs. Ce qui était plus important pour moi est que nous avons réussi à diminuer significativement la mortalité infantile en RDA “, explique-t-elle.

Après la chute du Mur, elle rédige ses Mémoires, qu’elle publie en  1997. En  2012, à l’occasion des 100  ans d’Ingeborg, l’hôpital de la Charité lui rend, ainsi qu’à son mari, un hommage officiel. Repasser sa thèse ne fut pas chose facile. Ingeborg Rapoport n’a en effet pas réussi à remettre la main sur l’exemplaire qu’elle possédait. ”  J’ai cherché à me remémorer ma façon de procéder et à retrouver mes principales conclusions. Des amis ont cherché pour moi sur Google tout ce qui s’était fait dans le domaine de la diphtérie ces quatre-vingts dernières années, reconnaît-elle. L’université a fait preuve de beaucoup de patience. Je lui en suis reconnaissante.  “ Si Ingeborg Rapoport s’est replongée dans cette histoire et a enfin soutenu sa thèse, ce n’est pas pour elle. ”  Je l’ai fait pour les victimes  “, dit-elle.

Frédéric Lemaître, (berlin, correspondant)