Le parti et les électeurs de Marine Le Pen à la loupe
Selon un membre de la direction du Front national, on aurait assisté ce vendredi à « une victoire par KO du marinisme et de la ligne républicaine sur les obscurantismes et les rétrogrades ». Il y aurait donc (première nouvelle !) des obscurantismes et des rétrogrades au FN… Mais s’il y a eu un bras de fer et des débats, Marine Le Pen a tenu bon, en faisant tout de même une concession : Sébastien Chenu, transfuge de l’UMP et fondateur de Gaylib, militant de la cause homosexuelle, sera bien nommé en janvier à la tête du futur Collectif culture du Rassemblement Bleu Marine (RBM), mais il partagera cette fonction avec Gilbert Collard, député du Gard et secrétaire général du RBM. «Ils sont complémentaires», a assuré Marine Le Pen.
Le même Gilbert Collard s’était vu flanquer en septembre d’un délégué général, Jean-Yves Narquin, faute d’avoir toujours le temps de faire face à ses multiples activités. Autrement dit: Sébastien Chenu devrait bien être le patron du futur Collectif. Il entrera vite dans le vif du sujet puisqu’il sera également candidat aux élections départementales en mars 2015 (lui-même en semblait tout étonné). Il devrait enfin occuper une fonction d’assistant parlementaire au Parlement européen.
La réunion du premier Bureau politique de l’après congrès de Lyon, destiné à préciser l’organisation du Front national, a donc été l’occasion de débats « un peu chauds », selon un participant. Au point que la réunion s’est prolongée après le déjeuner, au “Carré” à Nanterre. Marine Le Pen elle-même a reconnu vendredi soir, lors d’une conférence de presse, qu’il y avait eu « un certain nombre d’interrogations » sur le cas Chenu au bureau national, et des « inquiétudes» relatives à son passé avec Gay Lib, faisant craindre à certains qu’il ne vienne au RBM faire l’apologie du mariage homosexuel, alors que Marine Le Pen s’est toujours prononcée pour son abrogation, mais sans jamais mettre les pieds dans les rassemblements de la Manif pour tous, pas plus que Florian Philippot et contrairement à Louis Aliot, Marion Maréchal-Le Pen, Bruno Gollnisch ou Aymeric Chauprade.
Autour de la table du Bureau politique du FN, ce sont surtout Bruno Gollnisch et Aymeric Chauprade qui sont montés au créneau contre la décision de Marine Le Pen. Bruno Gollnisch, qui avait disputé en 2011 la présidence du FN à Marine Le Pen, avait déclaré dès jeudi être « extrêmement étonné, pour ne pas dire stupéfait », ajoutant que Sébastien Chenu « incarne tout ce que nous avons combattu. Il se déclarait européiste, militait contre le rapprochement de la droite avec le FN… Il incarne tout ce que nous avons combattu depuis des années. Je sais bien que saint Paul est subitement devenu un apôtre du christianisme sur le chemin de Damas… mais de là à lui confier un secteur aussi essentiel ! »
Marion Maréchal-Le Pen, également hostile à cette nomination, a peu parlé pendant le Bureau politique. Jean-Marie Le Pen, absent pour cause de réunion du Conseil régional à Marseille, était semble-t-il favorable à l’arrivée de Sébastien Chenu. Louis Aliot, qui a soutenu la président du FN au Bureau politique, avait tout de même émis jeudi quelque réserves : « C’est évident qu’il y a une ligne et il faudra qu’il tienne la ligne quand même un peu ! J’espère qu’il n’est pas venu pour défendre cette ligne là (le mariage gay, ndlr) parce que, c’est très clair, elle est incompatible avec le Rassemblement bleu marine. »
Dès jeudi, on avait bien senti au Front national que l’arrivée de Sébastien Chenu allait faire tanguer les troupes. Parmi les nombreux membres du Rassemblement bleu marine qui se sont manifestés, environ 50% étaient contre et 50% disaient bravo. A l’initiative des catholiques anti-mariage homosexuel du Salon beige, le siège du FN a été harcelé de coups de téléphone hostiles : « Il a été suggéré, pouvait-on lire sur le site du Salon beige, que chaque sympathisant, militant ou adhérent du Front National / RBM contacte par téléphone immédiatement le siège Social du parti politique pour leur demander s’il confirme et pourquoi prendre le risque d’une telle erreur politique, morale et culturelle. Pourquoi le Front national, tout à coup, prendrait-il la décision d’intégrer une politique communautariste, une ligne libérale qui va à l’encontre de tout ce qu’il représente depuis presque 40 ans ? Sommes-nous sur le point d’assister à une fracture historique de ce parti politique pourtant si près du but ? » Suivait le numéro de téléphone du FN, où l’on confiait vendredi midi: « Les gens du standard ont l’habitude de ce genre de choses… »
Dans le quotidien traditionaliste Présent, on pouvait aussi lire sous la plume de Caroline Parmentier : « A force de donner des postes aux ennemis de nos valeurs, le Front national de Marine Le Pen risque d’y perdre son âme. La culture gay est assez répandue comme ça pour que le responsable culture au FN n’en soit pas. Le mouvement a-t-il vraiment besoin d’un Jack Lang bis ? », avant de mettre en cause non l’homosexualité de Sébastien Chenu, mais son « homosexualisme».
Et puisque c’était jour de tourmente au FN, Marine Le Pen a également annoncé vendredi soir que Florian Philippot, victime d’un «outing» par le magazine Closer, procédé qu’ont condamné de nombreux responsables politiques notamment à gauche, allait porter plainte pour violation de la vie privée. La présidente du FN souhaite que les magistrats touchent plus fortement au portefeuille les «torchons» qui violent l’article 9 du Code civil protègeant la vie privée, afin de leur faire passer l’envie de recommencer.