En Italie, un sursaut de réalisme du gouvernement.

 

Après ses envolées contre Bruxelles, la première coalition antisystème d’Europe a adopté un ton plus conciliant sur le budget.
EUROPE Le premier gouvernement antisystème italien aura mis cent jours à s’assagir. Après avoir tonitrué tout l’été contre Bruxelles, les ténors de la majorité ont tenu des propos singulièrement conciliants, jeudi, lors du premier Conseil des ministres de la rentrée consacré au budget. « Que les marchés et les ménages se rassurent. Nous ne défierons pas l’Europe », a lancé le leader du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio. « Nous respecterons les règles imposées », a renchéri le leader de la Ligue, Matteo Salvini.La semaine dernière, les deux viceprésidents du Conseil rivalisaient de déclarations guerrières contre la règle des 3de déficit public qu’ils se faisaient fort de dépasser pour financer leurs folles promesses électorales. Les marchés ont apprécié : dans la foulée, le « spread » avec l’Allemagne s’est resserré de 20 points, preuve d’inquiétudes moindres envers l’Italie… C’est encore 100 de plus que lors des élections du 4 mars dernier.Proclamations idéologiquesAutre volte-face : les enfants de moins de 6 ans devront obligatoirement être vaccinés pour être admis à la prochaine rentrée scolaire dans une crèche ou une maternelle publique. La ministre (5 étoiles) de la Santé, Giulia Grillo, a révoqué jeudi une dérogation d’un an pour la présentation du certificat de vaccination. Dérogation adoptée en août par la majorité au gouvernement, à la vive inquiétude du président de la République, Sergio Mattarella, et de la communauté médicale.Les commentateurs parlent d’un « sursaut de réalisme ». « À ne rien faire, on ne se trompe pas. Ce gouvernement a une vertu : “le dynamisme immobile” », raille La Repubblica. L’unique loi adoptée en cent jours est le décret « dignité » sur le coût du travail, qui a fait contre lui l’unanimité des industriels et des syndicats. Pour le reste, ce ne sont encore que proclamations idéologiques, rigidités dogmatiques, promesses électorales irréalistes et confrontations serrées entre les « deux âmes » du gouvernement, les 5 étoiles étatistes qui veulent nationaliser de larges pans de l’économie (autoroutes, Alitalia, sidérurgie, etc.) et la Ligue qui défend la petite propriété industrielle.Sur le « revenu de citoyenneté » cher aux premiers et sur la révolution fiscale avec seulement deux tranches d’impôts, défendue par la seconde, aucun progrès substantiel n’est encore fait. Il faudra attendre les arbitrages du 27 septembre sur la prochaine loi de finances pour comprendre si la coalition « jaune-vert » a les moyens financiers de ses ambitions électorales.Le seul à avoir marqué des points cet été est Matteo Salvini. En interdisant le débarquement des migrants dans les ports italiens, il a contraint l’Europe à sortir de son immobilisme. En flirtant avec les pays les plus hostiles à l’immigration, il a ébauché un rapprochement entre souverainistes qui risque de peser lourd à Strasbourg lors des élections européennes de mai 2019. Il apparaît aujourd’hui comme l’instigateur d’une dynamique d’extrême droite qui pèsera dans les équilibres au sein de la majorité en Italie ainsi que dans l’Europe tout entière. Et il a le vent en poupe : le dernier sondage SWG le crédite de 32 % devant le M5S qui rétrograde à 28,3 %.
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