Viollet-le-Duc.

image

C’était ce que l’on appellerait aujourd’hui un architecte star. Deux cents ans après l’année de sa naissance, la Cité de l’architecture et du patrimoine consacre une exposition à Viollet-le-Duc, mettant en avant la manière dont il créa, son obsession pour l’architecture du Moyen Âge, les visions également qui l’inspirèrent.

Fou de gothique, l’homme fut bien sûr un professionnel de la restauration de monuments. C’est lui qui imagina une cathédrale Notre-Dame de Paris «reliftée», avec une flèche et ses gargouilles XIXe siècle. C’est à lui encore que l’on doit une reconstitution très «personnelle» du château de Pierrefonds, des chantiers autour de la cathédrale de Bayeux ou de la flèche de la cathédrale de Lausanne. Eugène Viollet-le-Duc est indissociablement lié à un certain nombre de polémiques autour de ses choix, ce qui fait le sel du personnage.

Pasticheur pour les uns, sauveteur du patrimoine pour les autres, l’architecte laissera un héritage complexe, qui influencera longtemps les réflexions autour des restaurations de grands monuments. Après la Première Guerre mondiale, le devenir de la cathédrale de Reims, pulvérisée par les bombardements allemands, suscita par exemple un grand débat national: fallait-il conserver des ruines, au titre de l’authenticité? Fallait-il au contraire tout refaire, au risque de la copie? C’est finalement un des élèves de Viollet-le-Duc qui prendra en charge l’entière réfection de Reims. À partir de là, le monde entier se penchera sur la préservation de son patrimoine. «On se rendra compte que Viollet-le-Duc a été très loin, et qu’il a aussi beaucoup “inventé”», rappelle Christine Lancestremère, commissaire de l’exposition.

Éclectique et doué

Au XXe siècle, beaucoup se demanderont même s’il faut «déviolletiser» les grandes cathédrales. À Toulouse, après un débat houleux, on redonne à Saint-Sernin son aspect d’origine. Mais quel touriste saurait aujourd’hui reconnaître les ajouts de Viollet-le-Duc à Notre-Dame de Paris?

L’architecte ne fut pas seulement un restaurateur de génie. Il est d’ailleurs présenté dans l’exposition comme un homme libre, s’inscrivant contre la doxa de l’Académie des beaux-arts. «À la fin de sa vie, il était connu pour ses travaux autour des monuments, mais aussi pour sa vision de l’enseignement, ou pour ses travaux littéraires, dont son dictionnaire de l’architecture», poursuit la commissaire.

Il faut prendre le temps de regarder ses idées d’architecture contemporaine, qui donnent la mesure de son potentiel de création. Du projet pour le nouvel Opéra, qu’il perdit au profit de Charles Garnier, à la décoration du train de Napoléon III – dont seul subsiste un wagon, exposé à Mulhouse – en passant par la «restauration» du Mont Blanc, Viollet-le-Duc fut un homme éclectique et doué.

«Les Visions d’un architecte», Palais de Chaillot, Paris (XVIe), jusqu’au 9 mars 2015. Tous les jours sauf mardi de 11 h à 19 h, nocturne jeudi.