Un article, trois démentis. Ugo Magri, journaliste au quotidien La Stampa et berlusconologue informé et ironique, aurait pu se couvrir la tête de cendres en voyant, après la publication, mercredi 15 avril, de son article ” Les ennemis de droite de Berlusconi “, s’amonceler sur son bureau les réactions outrées de l’ancien président du conseil et de son entourage.
En une cinquantaine de lignes précises comme un scalpel, il s’attache à faire revivre l’atmosphère crépusculaire qui règne autour de l’ex-Cavaliere dans sa résidence d’Arcore (Lombardie), les règlements de comptes entre les vieux fidèles et les nouveaux convertis. Extraits : ” Berlusconi est une antiquité qui ne fait plus peur à personne “, l’accable l’un. ” C’est facile d’avoir été à ses côtés quand tout allait bien, quand le soleil resplendissait, mais beaucoup moins lorsque tombe le soir “, le défend un autre en mettant en avant sa ” fidélité humaine et politique ” au service du vieux leader de Forza Italia.
Mais c’est à la fin du papier que Magri se fait le plus corrosif. Il raconte comment, un jour que le magnat des médias était assis à sa table de travail, l’un de ses deux chiens – des caniches baptisés Dudu pour le mâle et Dudina pour la femelle – a sauté sur sa table de travail, faisant s’envoler les documents sur lesquels il travaillait : ” Je n’en peux plus de ces bestioles !, a explosé Berlusconi. Ce n’est pas vrai que j’aime les animaux. En fait, je ne les ai jamais aimés. ” Cette citation, et seulement celle-ci, a déclenché la fureur de Silvio Berlusconi, de sa jeune compagne Francesca Pascale et d’une parlementaire défenseuse de la cause des animaux. Dans un démenti de quelques lignes publié par la Stampa jeudi, l’ancien premier ministre dénonce ” une citation inventée ” et s’interroge sur ” la déontologie professionnelle des journalistes “. Francesca Pascale assure que ” le président aime toujours ses chiens, qui font partie de sa famille “.
Ugo Magri, lui, se marre. Il tient l’anecdote d’une très bonne source. ” C’est incroyable, nous raconte-t-il. Berlusconi est muet depuis quinze jours, son parti prend l’eau de toutes parts, et sa première déclaration officielle est d’assurer Dudu et Dudina de son affection. Quest’uomo é bollito del cervello “, conclut-il. Ce qui peut se traduire par : ” Cet homme a le cerveau en compote. “
Une explication, peut-être : lors de ses multiples entreprises de retour au premier plan depuis qu’il a été chassé du Parlement à la suite de sa condamnation définitive pour fraude fiscale, il avait imaginé séduire de nouveau les Italiens, et notamment les plus vieux d’entre eux, par un programme aussi inattendu que généreux : gratuité des soins dentaires pour les personnes âgées et des visites vétérinaires pour leurs compagnons à quatre pattes. Son démenti prouve au moins qu’il n’a pas renoncé à ce projet.
Philippe Ridet