La maire de Paris a officialisé sa candidature depuis Rouen, dimanche. Celle-ci doit encore être validée par les militants du Parti socialiste.
Quoiqu’il arrive, Anne Hidalgo, désormais candidate officielle à l’élection présidentielle, a déjà fait mieux que Lionel Jospin. En 2002, le premier ministre socialiste (PS) s’était fendu d’un fax, austère et sibyllin, envoyé depuis son domicile à l’Agence France-presse pour informer les Français qu’il était candidat. Une déclaration, assez simple d’exécution a priori, mais qui avait failli virer au fiasco. N’ayant pas exactement apprivoisé cet appareil « moderne » de transmission, M. Jospin avait dû se faire aider pour envoyer le document.
Cette fois, il n’y eut aucun accroc technique quand Anne Hidalgo a déclaré la phrase solennelle, dimanche 12 septembre à 10 h 52. Il y avait davantage de monde, ce fut plus maritime qu’il y a dix-neuf ans, la communication politique était même toutes voiles dehors sur les quais de la Seine rouennaise.
« Promesse républicaine »
Ce fut une journée particulière parsemée de symboles un peu grossiers mais assumés, car il s’agissait de faire simple : Anne Hidalgo, en phase active de « déparisiannisation » aiguë, a choisi Rouen pour démontrer que, durant les huit prochains moins, elle s’adressera à la France entière.
Elle a aussi choisi de mettre ostensiblement en avant le collectif encore harmonieux de son « équipe de France des maires » qu’elle a décidé de sélectionner pour véhiculer le message limpide d’une candidature de proximité, enracinée dans le réel et la vie quotidienne des citoyennes et citoyens. Pour se positionner, finalement, contre le bonapartisme technocratique supposé du chef de l’Etat. Opposer son respect de l’autre au « mépris, à l’arrogance, à la condescendance de ceux qui connaissent si mal nos vies ».
« Sa candidature est complètement pertinente et légitime car son parcours, son histoire, ses combats, ses valeurs renvoient à une promesse républicaine », a réagi Mathieu Klein, maire de Nancy, désigné pilote en chef du futur projet présidentiel.
« Promesse républicaine », deux mots qui viennent de faire leur entrée dans le langage courant de sa campagne et en nourriront les ressorts narratifs. Au même titre que les mots-clés « humilité », « transformer », « réindustrialisation », « travail », qu’elle a égrainés tout au long de son allocution. Les lignes de force de son projet social-démocrate et écologique sont identifiées : la transition écologique, la lutte contre les inégalités, l’éducation… « Nous serons audacieux, rigoureux et cohérents », a-t-elle promis.
« Anne trace sa route »
Elle s’est déclarée devant un parterre de fidèles d’environ trois cents personnes avec, en arrière-plan, de l’autre côté de la rive, deux grues des docks de Rouen, encore une allégorie à peine voilée à la vie de son père qui travailla sur le chantier naval de Cadix, en Espagne. « Avec son salaire, il pouvait acheter l’équivalent d’une boîte de lait en poudre par mois », raconte même Jean-Marc Germain.
Quelques minutes avant le discours de son épouse, cet ancien député (PS) des Hauts-de-Seine était concentré, mais taquin : « Vous écrivez tous qu’Anne a accéléré sa déclaration de candidature. Vous vous êtes tous trompés. Il fallait ménager un peu de surprise, mais ce jour était prévu de longue date. Depuis un mois et demi, nous connaissions la date d’une candidature qui n’est pas en réaction à quoi que ce soit. Anne trace sa route. Et tout commence aujourd’hui. »
La sixième candidature à gauche – après celles de Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), de Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste), d’Arnaud Montebourg, d’un candidat écologiste encore inconnu, de Fabien Roussel (Parti communiste français) et de Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) – est évidemment tout sauf une surprise.
« Quand elle sera déclarée, il va se passer des choses, veut croire Valérie Rabault, la présidente du groupe des députés socialistes. Ça va la propulser. » Même si, en catimini, le cercle rapproché de la nouvelle candidate ne s’attend pas à ce que cette grande annonce rouennaise, qui a précédé son passage au journal de 20 heures de France 2 le même jour, puis la publication de son livre, Une femme française (L’Observatoire), le 15 septembre, déclenchent un tsunami d’enthousiasme dans les heures qui suivent.
Les équipes d’Anne Hidalgo travaillent plutôt sur un scénario à mèche lente selon lequel, d’ici à décembre, elle dépassera la barre symbolique des 10 % d’intentions de vote. Elle est à la fois consciente de l’instabilité et de la complexité d’une situation politique erratique, mais elle estime que sa candidature est aujourd’hui sous-évaluée et qu’elle dispose, grâce à son statut de maire de la capitale, d’une force de frappe politique et médiatique très supérieure à celle des écologistes ou d’Arnaud Montebourg.
Se détacher de la masse des candidats d’ici à trois mois, puis espérer leurs ralliements, c’est tout l’enjeu du vote utile à gauche qu’elle se propose d’incarner. Si aucune dynamique n’émerge en sa faveur d’ici à janvier, tout le monde estime qu’il sera trop tard. « Anne est très très déterminée, balaye Mathieu Klein. Je n’envisage pas une seconde l’hypothèse selon laquelle nous devrons nous ranger derrière un autre candidat. »
L’entourage « parisien » à l’écart
La prochaine étape ? Le vote des militants du PS, à la fin du mois, qui désignera définitivement leur candidat à la présidentielle. Une primaire interne qui pourrait opposer Anne Hidalgo au maire du Mans, Stéphane Le Foll, qui râle depuis des semaines contre une candidate imposée sans débats. Un duel qui devrait cependant se résumer à une formalité pour la maire de Paris.
C’est l’heure pour son « équipe de France » de rentrer sur le terrain. « Elle a fait sa déclaration et maintenant, nous devons prendre le relais, martèle Johanna Rolland, maire de Nantes et directrice de campagne d’Anne Hidalgo. Il ne peut y avoir d’homme ou de femme providentielle. Cette campagne sera une aventure collective. »
Le défi n’est pas mince, il leur faudra gagner en notoriété et prouver que cette « équipe de France » des maires ne se résumera pas à de simples échanges de bonnes pratiques. Jean-Marc Germain est optimiste, il s’est même autorisé un « Waouh ! Quel conseil des ministres, cela pourrait être. »
En revanche, il n’y avait presque pas de membre de l’entourage « parisien » d’Anne Hidalgo à Rouen. La consigne est claire et inflexible, elle pourrait générer quelques frustrations à terme : aucun adjoint ou élu parisien n’aura ni voix au chapitre ni attribution exécutive durant la campagne de la candidate. La « maison Paris » doit continuer à tourner à plein régime, l’une des conditions élémentaires, mais indispensables, d’une campagne présidentielle sereine.