Départements : gauche-droite, quelles différences ?

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”  Je ne les ai pas augmentés une seule fois en quatre ans  “, assure-t-il, contrairement aux deux anciens patrons de la collectivité, Jean-Jacques Lasserre (jadis UDF, aujourd’hui UDI) et Jean Castaings (UMP). D’autres indices prouvent, selon lui, que la majorité actuelle mène une politique de gauche. Tel l’accroissement de la part des personnes handicapées employées par les services du conseil général, qui s’élève désormais à 6  %, le seuil imposé par la loi. Ou encore la reprise en  2012 de l’exploitation du petit train de la Rhune par un établissement public que l’exécutif départemental contrôle  ; auparavant, cet équipement était administré par une filiale de Veolia, via une délégation de service public.

M.  Labazée fait son miel d’un classement, publié début mars par BFM-TV, qui place sa collectivité au septième rang des départements ”  les mieux gérés  “. Et qui démontre au passage l’ampleur des efforts consentis, en particulier au profit des collèges.

Continuité”  M.  Labazée est un spécialiste de l’enfumage  “, tonne M.  Lasserre, principal challenger de la gauche pour le scrutin des 22 et 29  mars  : les chiffres diffusés par BFM-TV portent sur des exercices ”  très proches de la situation que nous avons laissée  “, assure-t-il. ”  Nous avons toujours fait preuve de rigueur  “, ajoute le sénateur centriste, alors que la majorité sortante, elle, a laissé filer ”  l’endettement  “, les ”  dépenses de fonctionnement  “ et dégradé les capacités d’investissement de la collectivité. Une opinion partagée par Max Brisson (UMP), en lice dans le canton de Biarritz  ; il trouve par ailleurs que l’équipe en place a laissé moins de liberté aux élus locaux dans les projets communaux soutenus par le département. Elle a ”  un mode de fonctionnement très centralisé  “, renchérit M. Lasserre.

A les entendre, 2011 aurait été synonyme de rupture. Avec, schématiquement, une droite qui serait meilleure gestionnaire mais moins soucieuse de certains sujets d’intérêt général  ; et une gauche qui serait son négatif. Mais pour bon nombre d’acteurs locaux, le sentiment qui prévaut est celui de la continuité, notamment dans le champ du social, l’une des principales prérogatives des départements. ”  Je n’ai pas relevé de différence significative entre les mandatures précédentes et celle d’aujourd’hui  “, confie Jean-Daniel Elichiry, de l’association Atherbea (”  abri  ” en basque). Avis identique pour Michel Dejean, de l’Apsap, une association de prévention spécialisée  : avant l’alternance, explique-t-il, ”  des missions nous avaient été confiées, notamment sur le décrochage scolaire, et on nous a demandé de les poursuivre  “. L’une des rares inflexions citées porte sur les crédits de la ”  mission prévention jeunes  “, dont le volume global est resté inchangé mais qui ont été ventilés différemment, entraînant une baisse des moyens pour certaines structures, indique Miguel Manjon, de la MJC du Laü, à Pau.

Le monde des entreprises est sur la même longueur d’onde. ”  Il n’y a pas énormément d’écart  “, déclare Christian Aubart, président du Medef Béarn et Soule. Président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Pau-Béarn, Patrick de Stampa discerne quelques menues nuances  : ”  L’action du conseil général me semblait un peu plus tournée vers l’économie, avant  “, estime-t-il, en regrettant le manque de réactivité du département sur un dossier, celui du poste d’inspection frontalier qui n’a toujours pas été installé à l’aéroport de Pau. Ce qui, à ses yeux, entrave le développement de la filière équine dans la région.

Loin d’être une exception, le cas des Pyrénées-Atlantiques pourrait au contraire refléter une tendance de fond  : celle d’une standardisation des actions conduites par les collectivités locales, quelle que soit leur couleur politique. C’est l’analyse de Patrick Le Lidec, chargé de recherche au CNRS. Plusieurs facteurs, d’après lui, concourent à ce phénomène. D’abord, les personnes qui votent sont ”  de moins en moins attachées à des identifications partisanes  “  ; par conséquent, ”  les collectivités territoriales mènent des politiques qui cherchent à répondre aux attentes supposées de l’électeur médian  “. En outre, les territoires sont en compétition les uns par rapport aux autres pour attirer les investisseurs et les catégories socioprofessionnelles aisées  : dans cette optique, ils réalisent des projets qui sont souvent les mêmes – tramway, embellissement de la voirie…

Les étiquettes ont moins d’influence que les caractéristiques des collectivités, juge M.  Le Lidec  : si elles sont peu peuplées, elles agiront relativement plus en faveur de la voirie  ; celles, à l’inverse, qui ont une population importante s’impliqueront davantage dans le social. Leurs ressources forment aussi un autre paramètre déterminant, puisqu’elles contraignent les exécutifs locaux à faire des choix. Pour cette raison, la réduction des dotations de l’Etat risque d’avoir un impact plus puissant que la déferlante bleu horizon annoncée pour le 29  mars au soir.

Bertrand Bissuel