L’intensité de la réaction qui, en quelques heures, a gagné la planète entière après l’attentat contre Charlie Hebdo restera comme une date dans l’histoire, une prise de conscience fulgurante de la fragilité de la liberté et de son prix. A cette aune, l’union nationale qui s’est imposée en France était bien le moins que la classe politique pouvait faire. Ce fut fait, tant mieux.
Mais cela ne suffira pas. S’unir, rassembler tous les Français, c’est réagir. C’est mobiliser sous le coup de l’émotion, de la colère. Cette phase était indispensable, et François Hollande comme les autres leaders politiques ont eu raison d’en appeler au peuple et à sa conscience républicaine. Dresser contre la terreur la foule et son refus de se coucher reste nécessaire. Mais ce sera rapidement insuffisant.
Car, on le voit déjà avec les tergiversations autour du Front National, les vieux réflexes politiques ne peuvent jamais disparaître très longtemps. Chacun soupçonne l’autre de tentatives de récupération. Les egos réapparaissent, les postures reprennent. Et tout le monde sait bien que le moment reviendra vite où on ne pourra plus se contenter de faire ronfler les mots et offrir les poitrines pour faire baisser les fusils. Le moment où il faudra répondre à ces questions terriblement difficiles : comment en est-on arrivé là ? Que faire pour briser cette violence, gagner cette guerre asymétrique, repérer et neutraliser les bombes humaines, casser les filières ? Comment réparer ces failles de la vie ensemble, ces échecs du système éducatif, cette faillite du système pénitentiaire et répressif ? A toutes ces questions, il existe des réponses de gauche, et des réponses de droite. Des réponses qui font une place différente à la liberté, à la tolérance, à la prévention, à la punition. Nous serons alors loin de l’union nationale. Il ne sera plus question de réaction mais d’action. L’essence même de la politique.