Les faits – Ajoutée à la chute continue des cours du pétrole, la décision du gouvernement grec d’avancer de deux mois la date de l’élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu mercredi, a réveillé de mauvais souvenirs et provoqué de fortes secousses sur les marchés boursiers européens. Le risque d’instabilité politique dans un pays qui est le maillon faible de la zone euro a entraîné une chute générale des indices vendredi. En une semaine, le CAC40 a perdu 7% de sa valeur, le Dax allemand 4,9%, le FTSE britannique 6,5% et la bourse d’Athènes a chuté de 20%. L’Opinion analyse six dangers actuel pour la zone euro.
« Ma préférence serait de revoir des visages familiers en janvier. » Interrogé ce week-end par une chaîne de télévision autrichienne sur la situation politique en Grèce, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, risque quoi qu’il souhaite d’être amené à traiter avec de nouveaux interlocuteurs l’année prochaine. Pas seulement à Athènes, menacé d’élections législatives anticipées, mais aussi à Lisbonne et Madrid où des élections générales sont programmées à la fin de 2015.
Six ans après l’explosion de la crise, la situation politique et sociale commence, en effet, à se craqueler sérieusement un peu partout dans les pays de la zone euro. L’austérité passe de plus en plus mal dans les opinions publiques. Après la grève générale vendredi en Italie où les syndicats contestent la réforme du marché du travail engagé par Matteo Renzi, c’est au tour de la Belgique de connaître ce lundi une journée de mobilisation contre le plan d’économies de 11 milliards d’euros décrété par le nouveau gouvernement libéral de Charles Michel. Après avoir fait preuve d’une spectaculaire résilience face aux 30 milliards d’euros d’efforts financiers imposés depuis 2009, les Irlandais manifestaient en nombre mercredi dernier pour protester contre l’instauration d’une tarification de l’eau. Une mesure à 1 milliard d’euros qui a fait déborder le vase…
Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers la Grèce. Le Premier ministre Antonis Samaras a décidé de jouer son va-tout en avançant au 17 décembre l’élection présidentielle prévue le 15 février. Réagissant aussi fortement qu’en septembre 2011 lorsqu’était évoquée la sortie du pays de la zone euro, les marchés boursiers ont très mal pris la nouvelle. Le candidat de la coalition au pouvoir, réunissant le parti de la Nouvelle Démocratie et le Pasok socialiste, doit réunir au moins 200 voix au premier tour pour être élu. Autant au second tour, programmé le 23 décembre. Et 180 au troisième et dernier tour le 29 décembre. Or, la majorité ne dispose que de 155 sièges.
Un échec entraînerait la convocation d’élections législatives début 2015 et la victoire possible de Syriza, l’équivalent grec du Front de Gauche, donné en tête des derniers sondages avec 25,5 % des voix devant Nouvelle Démocratie (22,7 %) et un Pasok qui s’écroule (6,7 %). Au programme de la principale force d’opposition figurent l’abandon de toute coopération avec les créanciers internationaux de la Grèce et l’annulation des mesures d’austérité imposées par la troïka des créanciers du pays (FMI, BCE, Bruxelles) dans le cadre du plan de sauvetage de 240 milliards d’euros. D’où la nervosité actuelle des marchés financiers… Le commissaire européen Pierre Moscovici est attendu dès ce lundi à Athènes.
L’Espagne, où des élections générales doivent se tenir avant décembre 2015, pourrait être le prochain pays à basculer dans l’inconnu. Ce bon élève de la zone euro qui a mené une cure d’austérité drastique a certes renoué avec la croissance (entre 1,2 % et 1,3 % cette année), mais le taux de chômage demeure encore très élevé, à 23,7 %. Ajoutée aux nombreuses affaires de corruption qui secouent le parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, actuellement au pouvoir, et le parti socialiste (PSOE), la situation profite aux extrémistes de Podemos. Récemment créée, cette formation dont certains leaders se réclament d’Hugo Chavez, feu le président de la république bolivarienne du Venezuela, pourrait mettre fin au bipartisme qui préside depuis le rétablissement des élections démocratiques en 1978. La dernière enquête d’opinion la place en tête avec 29,6 % des intentions de vote, devant le PP (26,1 %) et le PSOE (16,7 %).
D’une manière plus classique, le Portugal devrait aussi connaître l’alternance en 2015. Marqué par trois années de sacrifices imposés par la troïka dans le cadre d’un plan de sauvetage de 78 milliards d’euros, clos au printemps dernier, mais aussi par les « affaires », la coalition réunissant le parti social-démocrate (PSD) et le parti populaire (PP) sous la houlette de Pedro Passos Coelho se présentera en position difficile lors des élections prévues à l’automne. Bien que secoué par la chute de son ancien leader, José Socrates, le parti socialiste portugais qui s’est fait le champion de la lutte contre l’austérité devance largement le PSD (25,2 %) dans les sondages avec 37,5 % des voix.
Dans un an, Jean-Claude Juncker risque donc de se retrouver confronté à des visages nouveaux, mais surtout hostiles. Et aux reproches des Samaras, Rajoy et autres Passos Coelho qui pourraient se présenter comme les victimes de l’intransigeance des créanciers du FMI, de la BCE et de Bruxelles qui n’ont eu de cesse de les inviter à ne pas relâcher leurs efforts en dépit de récentes éclaircies économiques. Et de la mansuétude dont profite la France.