C’est une France unie qui s’est levée ce week-end, mais c’est le mot « patriote » qui, on le voit déjà, créera les prochaines divisions. Un mot qui fait référence au « Patriot Act », ce texte adopté en urgence par les Etats-Unis après le 11-Septembre, et qui conféra de nombreux pouvoirs supplémentaires à la police et aux services de renseignement dans leur traque des ennemis de l’Amérique. Un mot qui résume à lui seul une terrible question : faut-il restreindre les libertés publiques en réponse aux atteintes à l’une d’entre elles, la liberté d’expression ? Le débat enfle, à gauche entre tenants de « la ligne Valls » et partisans d’une option plus angélique, et dans le camp d’en face entre l’extrême-droite et les autres : jusqu’où doit-on entamer le régime actuel de liberté pour adapter notre défense à l’intensité de la menace ?
Car, à l’évidence, le statu quo n’est plus admissible. La quinzaine de lois promulguées en trente ans (une par an depuis l’arrivée de François Hollande) a laissé de profondes failles dans notre protection. Et si, selon la terminologie désormais en usage, le pays est « en guerre », alors notre législation élaborée pour temps de paix ne saurait être appropriée. La question ne peut donc pas être : doit-on le faire, mais à quelle échéance, et avec quelle sévérité ? Aller vite, c’est prendre le risque de légiférer sous le coup de l’émotion. Mais prendre trop de temps serait un risque plus grand encore. On n’ose imaginer ce qui se passerait en effet si, avant même que la France ait pu relever ses défenses, une nouvelle frappe nous atteignait. Le sans-faute réalisé par le chef de l’Etat ne serait plus qu’un lointain souvenir. Ne resterait alors que des mots, des incantations, une liturgie de l’union. Pour rien.Nicolas Beytout