Pour le premier ministre Matteo Renzi, l’Italie est comme la Gaule des albums d’Astérix : tout est pacifié sauf… Le retour de la croissance se précise, la formation qu’il dirige, le Parti démocrate (PD, centre gauche), est donnée gagnante des élections régionales et municipales partielles qui auront lieu le 31 mai. Il est en passe de faire voter la très attendue réforme du mode de scrutin. Il rentre de Washington, où il a parlé presque d’égal à égal avec Barack Obama, son idole. Mais, çà et là, de petits villages résistent.
Prenons Ercolano, par exemple, où le président du conseil était attendu samedi 18 avril pour une visite sur le site archéologique. Cette petite ville de la banlieue de Naples est le théâtre d’une révolte. Alors que le maire et son adjoint viennent d’être mis en examen pour ” corruption “, les militants occupent le siège du PD pour protester contre la désignation, imposée par les instances nationales du parti, de celui qui portera leurs couleurs aux municipales.
Le cas n’est pas isolé. Un peu partout, la base locale se rebelle et profite des élections primaires pour voter contre les indications du pouvoir central. A Giugliano, près de Naples également, les inscrits ont choisi pour candidat à la mairie un homme renvoyé en jugement pour ” association à la délinquance “. Idem à Enna (Sicile). Le vainqueur plastronne : ” J’aurais même gagné au tirage au sort. “ A Syracuse, ils ont carrément porté à la candidature un politicien qui quelques jours auparavant avait été reçu par Silvio Berlusconi. Chaque fois, le résultat de la consultation interne a été annulé.
” Les sections locales sont de moins en moins contrôlées par le sommet, explique le politologue Pierro Ignazi. En échange de cette autonomie, elles laissent les mains libres au gouvernement, qui peut ainsi proposer ses réformes sans réelle opposition interne. Mais ainsi le fossé entre le centre et la périphérie s’accentue de plus en plus. “
BrècheTout a commencé début février avec la victoire de Vincenzo De Luca, lors des primaires pour la présidence de la région Campanie. Malgré les réticences de M. Renzi, celui-ci, très populaire, a maintenu sa candidature, bien qu’il ait été condamné en première instance pour ” abus de pouvoir “. S’il était élu, la loi le contraindrait à démissionner immédiatement. ” De Luca a ouvert une brèche, explique Venanzio Carpentieri, responsable local du PD. Sa désignation aurait dû être invalidée pour ne pas prêter le flanc aux critiques. “
Les choses ne se passent pas beaucoup mieux au Nord. Raffaella Paita, candidate de la gauche pour la région Ligurie, vient d’être mise en examen pour avoir tardé à donner l’alerte lors des inondations de l’automne 2014, alors qu’elle était conseillère régionale en charge de la protection civile. M. Renzi lui maintient sa confiance, mais la minorité du PD votera pour un candidat dissident.
Parallèlement, le PD apparaît de façon désormais régulière dans les scandales politico-financiers qui rythment la vie institutionnelle de la Péninsule. Alors que la section romaine du parti est mise sous tutelle de la direction nationale, que la maire de Venise a dû démissionner à la suite de son implication dans le scandale de la construction de la digue géante, c’est au tour de la commune d’Ostie d’être ” dissoute ” pour collusion avec la Mafia. A Ischia, dans le golfe de Naples, la maire est en prison pour avoir été corrompue par une société coopérative proche de la gauche, désireuse de s’accorder ses bonnes grâces…
Jusqu’à présent, M. Renzi s’est peu exprimé sur ces scandales, envoyant ses collaborateurs pour colmater les brèches et ramener un peu d’ordre dans son parti. Interrogé dans l’hebdomadaire L’Espresso, Antonio Bassolino, ex-maire de Naples et ancien président de Campanie, avance une explication : ” Il y a une contradiction profonde entre le PD à Rome et le territoire, entre Renzi et la classe dirigeante locale. Mais comment, comme premier ministre, peut-il se colleter avec les questions locales ? “ Peut-être en commençant par faire un saut à la section du parti à Ercolano ? L’adresse est sur Internet.
Philippe Ridet