Les campagnes se succèdent pour Nicolas Sarkozy. Après la reconquête de l’UMP à l’automne 2014, les victoires dans les conseils départementaux en mars, voici venu le temps de convaincre les militants de faire le grand nettoyage de printemps. A moins de vingt jours du vote des adhérents sur le changement de nom de la formation politique, l’ancien chef de l’Etat a décidé d’aller chercher les soutiens un à un.
Jeudi 7 mai, il leur a adressé une lettre pour vanter son nouveau parti, Les Républicains, et posté dans la foulée une vidéo sur Internet. Lundi 11 mai, lors d’une réunion publique aux Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), il a appelé chacun à la mobilisation. ” Le 30 mai, j’ai besoin que vous soyez là, innombrables, enthousiastes, pour montrer à tous ceux qui ont renoncé à défendre les valeurs de la République que les républicains sont là, qu’ils sont forts “, a lancé M. Sarkozy en présence de Valérie Pécresse, tête de liste de l’UMP aux élections régionales de décembre en Ile-de-France.
Bataille sournoiseL’enjeu est d’importance pour l’ancien président de la République. Les adhérents de l’UMP doivent voter les 28 et 29 mai sur la réforme des statuts de leur parti et sur la nouvelle appellation. Les résultats de ce scrutin seront officialisés lors d’un congrès de refondation, le 30 mai. Alors que ses concurrents à droite, Alain Juppé, Bruno Le Maire ou Xavier Bertrand, sont très dubitatifs sur cette nouvelle appellation, le score obtenu par M. Sarkozy sera observé à la loupe. Une façon de mesurer à quel point l’UMP est prête à suivre son nouveau patron comme un seul homme.
Mais une autre, bataille, plus sournoise est en train de se jouer : celle de la ligne politique du parti, notamment sur la question de l’islam. Et cette fois-ci, l’attaque est venue d’un bureau voisin de celui du président de l’UMP. ” La question religieuse prend trop de place dans le débat public. (…) On a trop tendance à ramener notre identité à la question religieuse “, a estimé Nathalie Kosciusko-Morizet, dimanche, sur BFM-TV. Interrogée sur la journée de travail que consacrera le nouveau parti à l’islam, le 4 juin, la vice-présidente déléguée de l’UMP a poursuivi son raisonnement : ” Je trouve qu’avoir l’air de dire que le premier sujet pour cette formation politique, c’est l’islam et la République, c’est une mauvaise idée. (…) Je pousse pour que la première convention, le premier rendez-vous thématique soit sur les questions d’économie, d’esprit d’entreprise et d’emploi. “ NKM, qui réfléchit à sa candidature à la primaire de 2016, a l’intention de continuer à ferrailler avec Nicolas Sarkozy. La députée de l’Essonne souhaite faire reporter cette journée lors de la commission exécutive de mercredi prochain.
L’ancien président de la République appréciera. Car lui n’hésite pas à faire de la religion et de l’islam un sujet de premier plan dans le débat public. Depuis son discours ” fondateur “ du 7 novembre, M. Sarkozy passe de longs moments lors de ses meetings à évoquer sa vision d’une République où ” celui qui nous rejoint doit s’assimiler, adopter notre mode de vie, notre culture “. Une analyse qui lui permet de longuement évoquer la question de l’islam. ” Garde-t-on ses chaussures quand on visite une mosquée à l’étranger ? “, s’était-il interrogé à Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 20 mars. ” La République, c’est plus exigeant qu’une démocratie. Dans la démocratie, on est habillé comme on veut. Dans la République, l’égalité de l’homme et de la femme, ce n’est pas une question de choix personnel “, a-t-il lancé, lundi, aux Pavillons-sous-Bois.
” Fixer des règles “A l’initiative de cette journée de réflexion sur l’islam, après une visite à la Grande Mosquée de Paris, le président de l’UMP en avait ensuite évoqué l’idée devant le conseil national du parti, le 7 février, en disant vouloir “ évacuer ” cette question pour ne pas polluer la suite des débats. Il a alors chargé Henri Guaino, député des Yvelines, et Gérald Darmanin, député du Nord, de préparer la liste des personnes invitées à témoigner. Selon nos informations, des élus de terrain, des membres du Conseil français du culte musulman et de l’Union des organisations islamiques de France seront auditionnés à huis clos.
“ Il y a une telle tension sur ces sujets qu’il nous faut mettre des digues, fixer des règles. Mais le pire serait que nous continuions à en débattre tous les quatre matins “, analyse M. Guaino, qui rédigera avec M. Darmanin un rapport présenté ensuite au bureau politique. L’ancien conseiller spécial de M. Sarkozy à l’Elysée promet que des propositions concrètes seront avancées.
Lors de ses dernières sorties marquantes sur ce sujet, Nicolas Sarkozy a été vivement contesté dans son propre camp. Lorsqu’il s’était positionné contre les repas de substitution dans les cantines ou contre le port du voile à l’université, aucun ténor de l’UMP ne l’avait suivi. ” Quand une gamine fait de la provoc et que cela crée un débat national, on fait leur jeu. Il faut qu’on se calme “, a ainsi expliqué François Fillon dans le Journal du dimanche du 10 mai, alors que le président de l’UMP avait, pour sa part, soutenu le chef d’établissement qui avait exclu temporairement une jeune fille portant une robe noire trop longue à Charleville-Mézières (Ardennes).
Ces passes d’armes cachent un enjeu plus stratégique. La plupart des concurrents de M. Sarkozy estiment que le redressement économique de la France doit être le premier des débats à droite. Ils redoutent que le nouveau parti ne lui serve à imposer une ligne trop axée sur les sujets identitaires. L’entourage de l’ex-chef d’Etat promet que des conventions thématiques sur les normes ou sur la liberté d’entreprendre suivront la journée sur l’islam. ” On ne pourra pas refaire campagne, comme avec Buisson, sur une ligne maurassienne, sans s’intéresser à l’économie “, analyse M. Guaino. Mais un de ses conseillers estime aussi que ” les questions liées à la laïcité sont importantes pour les Français “. ” On le voit en meeting, rien qu’à l’applaudimètre “, glisse-t-il.
Matthieu Goar