” L’Interview qui tue ! ” finalement diffusé en salles aux Etats-Unis
Les studios Sony Pictures, qui avaient annulé la sortie du long-métrage après des menaces, ont annoncé qu’il bénéficierait d’une distribution dans de nombreux cinémas
La comédie de Seth Rogen, L’Interview qui tue !, sortira bien le jeudi 25 décembre aux Etats-Unis, comme initialement prévu, ou presque. Le film sera distribué dans plusieurs centaines de salles mais pas dans les grands circuits qui, mercredi matin, n’étaient pas revenus sur leur refus de le mettre à l’affiche depuis que le groupe de hackeurs Guardians of Peace, qui a rendu publics des dizaines de milliers de documents internes de Sony, a menacé de représailles les salles qui le diffuseraient.
Dans une conférence de presse, le 23 décembre, Michael Lynton, directeur général de Sony Entertainment, a affirmé : ” Nous n’avons jamais renoncé à sortir L’Interview qui tue ! et sommes très excités à l’idée que le film soit montré dans de nombreuses salles le jour de Noël. En même temps, nous poursuivons nos efforts pour nous assurer plus de plateformes de distribution et plus de salles de cinéma, afin de pouvoir atteindre le public le plus large possible. ” Barack Obama a ” applaudi la décision de Sony “, a dit Eric Schultz, porte-parole de la présidence dans un communiqué.
C’est le dernier rebondissement d’un feuilleton commencé au printemps, quand le gouvernement nord-coréen a émis ses premières menaces à l’encontre de cette satire dans laquelle deux journalistes américains, joués par Seth Rogen et James Franco, sont mandatés par la CIA pour tuer le dictateur Kim Jong-un. Il marque un énième revirement de la major qui annonçait, il y a une semaine, n’avoir ” plus aucun projet pour sortir le film “. Selon CNN, plusieurs cadres dirigeants de Sony auraient alors reçu un mail des hackeurs prenant acte de cette déclaration : ” C’est très sage que vous ayez pris la décision d’annuler la sortie de L’Interview qui tue !.(…) Nous vous garantissons la sécurité de vos données, du moins si vous ne créez pas de troubles supplémentaires. ”
Vendredi 19 décembre, lors de sa dernière conférence de presse de l’année, le président Obama avait déploré que les dirigeants de Sony aient cédé aux pressions de ceux qu’il appelle des ” cyber-vandals ” et dont il assure avoir la conviction qu’ils sont à la solde de la Corée du Nord. ” Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle un dictateur peut commencer à imposer une censure ici aux Etats-Unis “, a-t-il déclaré.
Moyens de diffusion alternatifs
Se défendant de ” s’être couché devant les hackeurs “, Michael Lynton avait alors rétorqué que le retrait des circuits de salles ne lui laissait pas le choix, mais qu’il étudiait des moyens de diffusion alternatifs, sur Internet notamment. Sa réponse n’a pas plu à Barack Obama, qui, estimant qu’il aurait dû être mis au courant de cette situation, a affirmé qu’il aurait alors lui-même appelé les responsables des circuits pour les pousser à prendre le film. Elle a froissé nombre d’exploitants qui ont eu le sentiment que Sony se défaussait sur eux.
Dans une lettre ouverte postée lundi 22 décembre sur Change. org, Russell Collins, le directeur de l’association d’exploitants de cinéma d’art et d’essai Art House Convergence, a appelé Sony à rendre L’Interview qui tue ! accessible aux cinémas qui souhaitaient le projeter, érigeant le film au rang de nouveau totem de la liberté d’expression et de la résistance à l’oppression : ” Nous sommes à un carrefour important, avec une occasion de réaffirmer notre engagement envers la liberté et la nécessité absolue de protéger notre industrie cinématographique contre toute forme de restriction, de censure et d’intimidation par la violence. Nous demandons à nos confrères exploitants, et aux spectateurs, de se mobiliser pour la liberté d’expression et d’expression artistique. ”
Comme le rapporte le L.A. Times, de nombreux exploitants se disaient prêts, dès lundi, à diffuser le film, à l’instar de George R.R. Martin, l’auteur de Game of Thrones, propriétaire du cinéma Jean Cocteau à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Déplorant la réaction initiale de Sony, qualifiée d'” ahurissante démonstration de lâcheté d’entreprise “, GeorgeR.R. Martin a affirmé que ” des milliers de petites salles indépendantes à travers le pays, comme la mienne, seraient ravies de projeter le film, nonobstant les menaces de la Corée du Nord “.
Depuis le communiqué de Michael Lynton annonçant la décision de Sony de finalement sortir le film, plusieurs centaines de salles se sont déclarées partantes pour le montrer, après que le Plaza Atlanta, à Atlanta, en Géorgie, ou le réseau Alamo Drafthouse Cinemas, à Austin, Texas, se furent déclarés candidats. Le film a coûté à 44 millions de dollars (36,13 millions d’euros) à produire, et 35 millions en promotion.
Isabelle Regnier