Par-delà les implications économiques et politiques, la sortie de la zone euro de la Grèce pose une difficulté juridique de taille. Et en cas de sortie imposée, le gouvernement d’Alexis Tsipras pourrait fort bien saisir la Cour de justice. Le droit de l’Union européenne (UE) ne prévoit, en effet, aucune procédure permettant à un Etat de la zone euro de quitter la monnaie unique ou l’y contraignant.
Dans ce silence, quelques pistes peuvent être explorées qui conduisent à une conclusion : juridiquement, la Grèce doit consentir à sortir de la zone monétaire européenne.
La première piste proposée consiste à mettre en œuvre le droit de retrait consacré par l’article 50 du traité sur l’UE. Le subterfuge juridique consisterait pour la Grèce à se retirer de l’UE pour adhérer à nouveau en obtenant de ne pas participer à la monnaie unique. Encore faut-il que la Grèce accepte de notifier son intention de retrait au Conseil européen…
La deuxième piste revient à abroger la décision par laquelle le Conseil a autorisé, en 2000, la Grèce à adopter la monnaie unique le 1er janvier 2001. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (FUE) régit les conditions selon lesquelles un Etat membre adopte l’euro. En réalisant divers rapports, la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission déterminent si l’Etat a atteint le degré de convergence nécessaire pour que son économie supporte la monnaie unique. Sur le fondement de cette analyse économique, le Conseil adopte à la majorité qualifiée la décision qui autorise cet Etat à intégrer la zone euro.
Toutefois, le traité ne prévoit aucune procédure permettant d’exclure un Etat qui ne remplirait plus les critères de convergence. Pourrait-on inverser la procédure afin de sortir la Grèce de l’euro ? L’intérêt du tour de passe-passe juridique réside dans le fait que le Conseil ne statue pas à l’unanimité, de sorte que la Grèce ne pourrait s’opposer à sa sortie. Cette solution est cependant contraire à l’esprit du traité, qui impose à tous les Etats membres de l’UE d’adopter la monnaie unique, à l’exception du Danemark et du Royaume-Uni, qui ont négocié à Maastricht un opting out (le droit de ne pas entrer).
l’euro n’est pas irréversibleLa troisième piste reviendrait à considérer, rétrospectivement, l’invalidité de la décision du Conseil qui a permis à la Grèce de rejoindre la zone euro. Le motif invoqué serait celui d’une ” fraude ” au motif que l’adoption de l’euro par la Grèce s’est faite au prix de manipulations comptables. Totalement inédite, la solution s’avère d’autant plus fantaisiste que les Etats de la zone euro avaient pleinement connaissance de ces manœuvres. Ils ont donc statué en connaissance de cause.
La quatrième piste implique une révision du traité FUE. Juridiquement, l’euro n’est pas irréversible ; ce que le traité a fait, il peut le défaire, à condition de mettre en œuvre la procédure idoine. La solution consiste soit à insérer dans le traité une disposition organisant la sortie de la zone euro, soit à adjoindre au traité un protocole régissant la sortie de la Grèce. Si la révision du traité est la solution juridiquement pertinente, elle se heurte à un obstacle procédural. La procédure de révision ordinaire du traité doit être mise en œuvre. Outre la lourdeur du mécanisme, elle implique d’obtenir l’assentiment de tous les Etats membres.
Toute sortie de la zone euro ne saurait donc se faire sans le consentement d’Athènes. Pèse dès lors sur celle-ci un choix politique orienté par une réalité économique, tributaire du maintien de l’assistance de liquidité d’urgence. Le sort de la Grèce risque donc d’être scellé par une décision purement politique de la BCE.
Il faudra de la créativité juridique, afin d’éviter qu’au ” grand soir ” européen ne succède une ” aube dorée ” nationaliste.
Par Francesco Martucci