Cette semaine, un sans-faute dans les mots, les images, le chant, cette Marseillaise entonnée spontanément en plein coeur de l’Assemblée nationale, mardi 13 janvier, et reprise d’une seule voix par la représentation nationale. La politique a retrouvé ses lettres de noblesse, chacun fait ce qu’il doit à la bonne place et sur le ton qui convient. François Hollande, Manuel Valls, la majorité, l’opposition, tous dignes, transcendés par cette semaine dramatique que le pays a vécue.
Ce n’est pas seulement un moment d’unité nationale commandé par les circonstances, la guerre contre le terrorisme qui a fait 17 morts en trois jours, décimé un journal, attaqué la liberté d’expression, assassiné des policiers, meurtri la communauté juive, plongé le pays dans la sidération. C’est une refondation politique menée sous vigilance populaire.
Quel que soit le banc sur lequel ils siègent, les élus le sentent et le disent : ils se doivent d’être au niveau de ce qui s’est passé le 11 janvier : une déferlante populaire et pacifique, un peuple qui inonde les rues, affranchi de toute sollicitation partisane, en bloc, silencieux, pacifique pour signifier : même pas peur et vive la liberté !
Trente années de petites faiblesses
Cette réaffirmation dans la rue et par la rue de l’exigence républicaine, au moment où toutes sortes de vents mauvais menacent la République, oblige les élus. Ils savent qu’ils n’ont pas droit à l’erreur. Ils doivent se montrer dignes, au niveau, comme l’a été Manuel Valls mardi devant les députés lors de l’hommage aux victimes. Le premier ministre a soulevé la chape, mis des mots sur les maux qui rongent le pacte républicain : l’antisémitisme, la misère dans les quartiers, le communautarisme, l’obscurantisme, le délitement de l’école qui n’est plus le creuset de la République. Derrière cette énumération, trente années de petites faiblesses partagées droite et gauche confondues sur fond de chômage de masse.
A présent que le constat a été validé par des applaudissements nourris, nul ne peut s’en exonérer. Il faut rebâtir, élaborer le compromis entre fermeté et liberté, les deux aspirations qui ont porté la journée du 11 janvier et dont l’antagonisme justement permet à chacun de faire valoir ses opinions : gouvernement, majorité, opposition, mais dans un esprit de responsabilité, sans chicanerie car l’union nationale voulue par le peuple et validée par ses élus comme une réaffirmation de l’exigence républicaine est une arme.
Pas seulement contre le terrorisme mais contre Marine Le Pen. A ses risques et périls, la présidente du Front national s’est positionnée en dehors de l’union par incapacité de clarifier son rapport à la République. Installée à ses marges, elle campe dans une posture tribunitienne et récupératrice qui signe sa singularité mais souligne aussi sa faiblesse. Elle a beau donner de la voix, elle n’a pas les moyens d’agir. Elle parle, mais sa voix renforce les peurs. Si malgré tout elle marque des points, c’est que les autres auront failli. Leur responsabilité est immense mais cette fois ils le savent.
par Françoise Fressoz