A Paris, Madrid et Rome, les partis sociaux-démocrates minimisent la portée du succès de Syriza
Les responsables socialistes français l’auraient souhaitée moins large, moins éclatante. Mais, au lendemain de la victoire de Syriza aux élections législatives grecques, ils n’avaient d’autre choix que de se réjouir du retour d’un parti de gauche – fût-il radical – aux affaires. Dans un communiqué lapidaire, François Hollande a dès dimanche soir salué ” l’amitié qui unit la France et la Grèce ” tout en exprimant sa volonté ” de poursuivre l’étroite coopération entre nos deux pays, au service de la croissance et de la stabilité de la zone euro, dans l’esprit de progrès, de solidarité et de responsabilité qui est au coeur des valeurs européennes que nous partageons “. Une allusion aux engagements pris par la Grèce, alors qu’Alexis Tsipras, le nouvel homme fort du pays, se propose de renégocier la dette, voire d’en effacer une partie.
Face à l’effondrement électoral de son allié traditionnel, le Pasok, les socialistes français préfèrent positiver. ” La victoire d’un parti de gauche est toujours une bonne nouvelle pour le PS “, a expliqué Jean-Christophe Cambadélis sur Twitter, comme un rappel nécessaire. La gauche du PS se réjouit, elle, de la montée en puissance de Syriza. Benoît Hamon y voit un ” point d’appui ” pour tous les tenants d’une politique de relance.
” On va être obligé de reposer des questions qui ne touchent pas seulement aux équilibres budgétaires mais aux conditions de vie des peuples. Cela va apporter une pluralité dans le débat politique européen, qui n’était jusqu’alors qu’un débat de nuances. Ça va nous aider à obtenir la réorientation de la construction européenne “, estime l’ancien ministre de l’éducation.
Pas question, en revanche, de voir dans la percée de Syriza un risque de contagion en France, selon Julien Dray, le vice-président de la région Ile-de-France et proche de François Hollande : ” Une partie de la gauche de la gauche risque d’avoir des désillusions parce que le programme de Tsipras est plus proche de la social-démocratie que de Jean-Luc Mélenchon. ”
En Espagne, la montée de Podemos
A Madrid, la victoire de Syriza inquiète fortement la gauche traditionnelle, car elle viendrait à confirmer la montée de Podemos, devenu en moins d’un an la première force politique en Espagne. Le parti antiaustérité a déjà réussi à déstabiliser les écolos-communistes d’Izquierda unida qui, en pleine débâcle, doivent élire un nouveau responsable en février.
Podemos représente également une menace très sérieuse pour le Parti socialiste (PSOE), éclaboussé par les affaires de corruption qui ont miné la vie politique espagnole de ces dernières années, et toujours associé à la présidence très impopulaire de José Luis Rodriguez Zapatero. Pour le leader de Podemos, Pablo Iglesias, la victoire de Syriza marque le début d’un ” compte à rebours ” qui augure un grand ” changement ” dans la vie politique espagnole. Si l’Espagne s’engage dans la voie ouverte par Syriza, a souligné le responsable de Podemos, ” aucun gouvernent étranger ne pourra la menacer ” car l’Espagne, ” quatrième économie de l’Union européenne, n’est pas la Grèce “.
En Italie, espoir de renouveau
Et si c’était le bon moment ? Nichi Vendola, le leader du parti Gauche écologie et liberté (SEL), a choisi ce dimanche 25 janvier, jour de la victoire de Syriza en Grèce, pour appeler à Milan à ” la naissance d’une coordination des forces politiques et des associations ” de la gauche de la gauche. Le calendrier est déjà fixé : des réunions de préparation durant le mois de février pour décider d’une stratégie au printemps lorsque se dérouleront plusieurs élections régionales. La méthode, elle, reste encore floue : ” Nous ne pourrons pas être la gauche de l’avenir si nous sommes simplement la somme des gauches du passé. ”
Dans la foulée du triomphe de M. Tsipras, ils sont nombreux dans la Péninsule à rêver d’une alternative au Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi, au pouvoir. Sur le papier, cela paraît possible. Le premier ministre s’est allié avec Silvio Berlusconi pour faire voter les réformes constitutionnelles. Il y a de fortes chances qu’il cherche également à s’attirer les bonnes grâces du ” Caïman ” pour élire le futur président de la République à partir de jeudi. De plus, la situation économique ne s’est pas améliorée malgré l’austérité des gouvernements Monti et Letta ou la plus grande souplesse de M. Renzi.
Même si le PD reste le premier parti de la Péninsule et le triomphateur absolu des élections européennes de mai 2014, avec plus de 40 % des suffrages, la mauvaise humeur gagne bon nombre de ses militants et des élus mécontents des choix politiques et de l’autoritarisme de Matteo Renzi, peu porté à la négociation avec sa minorité. Mais, comme le souligne Roberto D’Alimonte, professeur de sciences politiques à l’université de la Luiss de Rome, ” le PD, même s’il est en perte de vitesse, reste le parti dominant de la gauche, à la différence du Pasok grec. Il ne libère aucun espace “.
Nicolas Chapuis, Isabelle Piquer (à Madrid), et Philippe Ridet (à Rome)