Jamais, nulle part, la bourgeoisie n’a rendu les clés de son propre et gracieux mouvement. Pourquoi le ferait-elle d’ailleurs? Pourquoi laisserait-elle faire la destruction de la société capitaliste, puisque la société capitaliste est pour elle? Aussi, sous toutes les latitudes, et à toutes les époques, la bourgeoisie a-t-elle le même visage distordu de haine, la même frénésie de faire tirer sur la foule, que cette rombière à brushing et lunettes de soleil saisie par la caméra de Patricio Guzman dans les rues de Santiago en 1973. Et sinon toute la «bourgeoisie», catégorie sociologique mal définie et qui brasse plutôt large, du moins sa fraction la plus conséquente, consciente de soi comme classe et consciente de ses intérêts de classe — la bourgeoisie ensauvagée.
Par toutes les fibres de son être, cette bourgeoisie, toujours, partout, est versaillaise. C’est en France, en effet, en 1871, qu’elle réalise pleinement son concept et, du même mouvement, indique tout ce qu’il faut savoir de la démocratie bourgeoise. La démocratie bourgeoise est ce régime où l’on peut parler de tout à l’exception de ce qui assoit le pouvoir social de la bourgeoisie — à savoir, en dernière instance, la propriété privée des moyens de production, et la forme particulière d’enrôlement qu’elle détermine : le salariat. Quiconque entreprend de toucher à ça trouvera la bourgeoisie en travers de son chemin.
Leçon de chose
Lire aussi Renaud Lambert, « Quand les militaires fauchent l’espoir d’une nouvelle voie vers le socialisme », Le Monde diplomatique, septembre 2013.
Entre 1970 et 1973, Salvador Allende s’y est risqué. Il en a résulté une leçon de chose politique d’une cruauté qui force la méditation – au moins de ceux qui auraient le projet de recommencer.
Mais quelle idée de retourner au Chili des années 70 en pleine pandémie des années 20 du siècle d’après? Celle précisément de rappeler à quoi pourrait être confronté le simple désir qu’«après le Covid plus rien ne pourra être comme avant», même quand il voit que le mouvement naturel des choses n’y suffira pas, et qu’il faudra lui donner un coup de main — toute la question étant de savoir ce qu’il faut entendre par «coup de main»…
Si l’expérience chilienne est utile (1), c’est parce qu’elle est récente. Les formes de société qu’elle nous figure sont plus proches des nôtres que celles de la Russie de 17 ou de la Chine de la Longue Marche — partant, les comparaisons plus faciles et plus parlantes. Les problèmes auxquels elle a eu à faire face ne sont pas si différents de ceux que nous rencontrerions, aurions-nous le projet de nous en inspirer, dans les termes où elle-même se définissait alors : «l’avènement du socialisme par la voie démocratique».
Si l’expérience chilienne est utile, c’est parce qu’elle est récente — partant, les comparaisons plus faciles et plus parlantes
Car c’est là finalement toute la question : en matière de «socialisme» (qu’on tiendra ici pour un nom générique de la sortie du capitalisme), qu’est-il permis d’espérer de la «voie démocratique»? Une expérience de pensée figurant un gouvernement de gauche non pas du tout anticapitaliste, mais gentiment… social-démocrate (au sens historique du terme), c’est-à-dire, quand même, décidé à œuvrer pour modifier les conditions structurelles du rapport de force entre le capital et le travail, donc à s’en prendre aux agencements de la mondialisation financière et commerciale, cette expérience de pensée livre déjà ses enseignements. Quand bien même il s’en tiendrait à cette base programmatique somme toute modérée relativement à ce qu’exigent en fait les urgences environnementales et sanitaires désormais mêlées (2), ce gouvernement serait défait en rase campagne : par les forces des marchés de capitaux et leur pouvoir de mise en échec (via les taux d’intérêt) de toute politique économique qui leur disconvient, par les forces de la propagande médiatique — il n’y a que dans les normes distordues de la presse du capital qu’on qualifie d’«extrême gauche» des agendas finalement aussi tempérés, comme celui qui est envisagé ici. Et puis par les forces du sabotage patronal.
C’est probablement la mention la plus propre à renvoyer l’expérience de pensée à son statut de délire paranoïaque — comme si des choses pareilles pouvaient exister, franchement. Or, en fait, elles existent. Il est vrai que le Chili d’Allende est un cauchemar pour les anticomplotistes : une déstabilisation organisée depuis la Maison Blanche, la CIA à la manœuvre, des multinationales appelées en relais, des transferts de fonds pour soutenir la réaction chilienne. On soumettrait sur le papier un scénario pareil aux docteurs de Conspiracy Watch, ils signeraient le bon d’internement dans la minute. Malheureusement, tout est vrai, et documenté. Ces choses-là ne sont sans doute pas ordinaires, mais elles existent. Or, les procédés extra-ordinaires sont fait pour être remobilisés dans des circonstances extra-ordinaires. Extra-ordinaire, c’est probablement ainsi que l’oligarchie capitaliste qualifierait une situation politique où l’ordre capitaliste se trouverait mis directement en question. De là, probablement aussi, les moyens «adéquats» qui s’en suivraient. C’est ce qui s’est passé au Chili au début des années 70.
Lire aussi Franck Gaudichaud, « L’Unité populaire par ceux qui l’ont faite », Le Monde diplomatique, septembre 2003.
Y compris, donc, ceux du sabotage patronal. La grève des — patrons — camionneurs met en panne toute la distribution, la pénurie organisée ayant pour effet de faire proliférer le marché noir, et exploser les prix, dans une situation où l’inflation est déjà un problème — elle entrera dans des zones où l’on peut parler d’hyperinflation. L’embargo sous lequel l’économie chilienne se trouve placée la prive et de ses exportations de matières premières (le cuivre notamment) et de ses importations stratégiques (machines et pièces). Le FMI et la Banque mondiale lui refusent toute assistance financière. Normalement aucun projet socialiste démocratique ne tient le choc quand la population est reconduite à la faim. Et pourtant la population chilienne tient! Enfin «la population» : la classe ouvrière. Avec en face, donc, les bourgeoises à brushing et glapissements, et puis le patronat, enfin, surtout, l’armée. Car l’appareil de force a fait son choix.
La fin de l’histoire est connue : la «démocratie», le parlement, la «loi de la majorité», tout ça finit en bombardement aérien de la Moneda. Et voilà le point de cruauté de la leçon de chose : jusqu’au dernier moment, Allende a voulu croire en la procédure «démocratique», et refusé l’option de la classe ouvrière en armes. Malheureusement, en face, on n’y croyait pas. Moyennant quoi, les armes n’ont été que d’un côté — qui a, logiquement, été vainqueur. Drame classique de la théorie des jeux : celui qui joue la coopération dans un jeu non-coopératif finit comme à la belote : capot.
La chose que nous appelons «démocratie» n’a rien de démocratique
On dira que c’est en fait une leçon très ancienne — on la ferait aisément remonter à la Commune, voire à 1848. Elle n’en est pas moins utile à redécouvrir, d’autant plus que la relative proximité du Chili 73 lui donne un relief de sens supplémentaire, mieux fait pour nous parler que les épisodes trop distants et trop déréalisés par l’éloignement dans le temps. Cette leçon tient que la chose que nous appelons «démocratie» n’a rien de démocratique, qu’elle a partie liée avec certains intérêts fondamentaux, et qu’elle met bas les masques dès que ces intérêts se trouvent mis en danger. À partir de quoi tous les moyens lui sont bons.
La «démocratie» est une pantomime dont le champ est très précisément circonscrit. Et d’une circonscription qui va en se rétrécissant à mesure que ces intérêts fondamentaux vont, eux, en s’étendant. Or cette extension, d’ailleurs indéfinie, est le sens même du néolibéralisme. Dont nous ne cessons de mesurer le rétrécissement corrélatif — et ses procédés, en longue période, se sont durcis à vue d’œil : depuis les confiscations des traités européens jusqu’à l’état d’urgence permanent et les éborgnements en série pendant les «gilets jaunes».
Qu’on s’en prenne au noyau dur, et l’on voit dans l’instant ce qu’il reste de la-démocratie-on-peut-parler-de-tout. Le degré auquel, ne serait-ce que ces deux dernières années, nous nous serons entendu répéter par les violents que «la démocratie, c’est le contraire de la violence» devrait être suffisant pour nous renseigner à cet égard. Quand les pires violents vont psalmodiant que «la démocratie, c’est le débat», c’est que leur idée du «débat» est manifestement une énorme arnaque.
Philosophies de service
Comme toujours, le vrai lieu d’étonnement n’est pas tant du côté des éborgneurs que de celui des intellectuels de service après-vente. Car cette colossale ânerie de «la-démocratie-on-peut-parler-de-tout» est l’article de foi d’une corporation entière, journalistique notamment. Ainsi le journalisme à prétention intellectuelle n’aura pas cessé de démontrer son inanité intellectuelle en élisant depuis des décennies Jürgen Habermas comme son penseur de référence, celui qu’on sort du placard quand les temps donnent de la gîte et qu’il s’agit de se souvenir quoi penser. Alors Habermas nous assomme d’une pleine page dans Le Monde ou dans L’Obs pour répéter que l’Europe est notre salut et «la démocratie» notre bien le plus précieux. Sans surprise, le principal liquidateur du marxisme dans l’École de Francfort, donc de l’École de Francfort, commencé philosophe de l’agir communicationnel, est devenu le barde tout-terrain du «débat démocratique», de la «délibération», réglée comme il se doit par les normes de la «rationalité dialogique» et la «force du meilleur argument» — bref de la politique comme séminaire universitaire. Entre gens de bonne volonté, tout n’est-il pas soluble dans la discussion?
Lire aussi Pierre Kalfon, « Soirs d’euphorie, matin de désespoir », Le Monde diplomatique, septembre 2003.
Pas de bol, au Chili la solution était plombée. Comme on peut s’y attendre quand «les gens de bonne volonté» se trouvent à défendre ce qui leur semble être leurs intérêts existentiels fondamentaux, à plus forte raison quand les uns ont des armes et pas les autres. Habermas n’a jamais dû voir de sa vie la rombière de Santiago ou quelque de ses équivalents fonctionnels — qui, pourtant, ne manquent pas. Médème n’est pas exactement en route pour deux heures de séminaire : elle veut qu’on se décide enfin à tirer sur cette saloperie d’ouvriers communistes. Ce qui sera fait.
Mais Habermas, la politique réelle, les forces sociales réelles, leurs agendas et leurs moyens réels, ça n’est pas trop son truc. Pourquoi donc la vie politique différerait-elle de la vie tout court — c’est-à-dire de la vie universitaire? Le prodigieux contresens nommé «la-démocratie», dressé comme saint-sacrement par la classe entière des possédants et leurs ilotes intellectuels, aura valu au Chantre tous les honneurs que réserve sa version à lui de «la vie tout court». Quant à Allende qui, pour son malheur, y avait ajouté foi, la vie, lui l’y aura laissée. Et bon nombre de ses camarades derrière lui.
Mesurer ce qu’il est permis d’espérer des procédures électorales dans le capitalisme
Les expériences politiques passées s’ajoutent donc aux expériences de pensée présentes pour nous permettre de mesurer ce qu’il est permis d’espérer des procédures électorales dans le capitalisme quand c’est le capitalisme qui doit être mis en cause : rien. Mais le malaxage des esprits depuis si longtemps y a incrusté la religion de «la démocratie» si profond que rien ne semble pouvoir venir à bout de son argument formel, tel qu’il résonne si familièrement : comme une discussion entre gens de bonne foi où le différend (mineur) se règle par la parole rationnelle.
Mais si la politique sous capitalisme avait jamais répondu à ce genre de définition projective, on aurait dû s’en apercevoir. Étonnamment le fait de n’avoir jamais rien observé de tel n’empêche pas certains de retourner à l’écurie de «la démocratie», et de l’investir du fol espoir que, si la discussion conduite dans les formes détermine qu’il faut en finir avec le capitalisme, eh bien nous en finirons avec le capitalisme. D’une part, il n’y a pas la moindre chance que l’ordre capitaliste tolère une organisation (constitutionnelle, électorale et médiatique) de la discussion qui puisse conduire à un tel résultat. Et d’autre part, si quelque miracle y conduisait malgré tout, on verrait de quel bois démocratique le capital se chauffe : le même qu’au Chili en 1973, le même qu’à chaque époque de l’histoire où il s’est trouvé sur la sellette.
Comme de juste, c’est là le genre de considération qui fera l’objet du plus épais déni de la part des «démocrates». Des plus vives condamnations également. Car dans l’univers mental d’un «démocrate», il y a deux camps : les «démocrates», bien sûr, et les violents — «qui ne veulent pas du débat». Par exemple, pendant les «gilets jaunes», les violents ne voulaient pas du «grand débat» de Macron. C’était bien la preuve qu’ils étaient des violents. Ne pas vouloir du Grand Débat, c’était bien être contre la démocratie. Puisque la démocratie c’est le débat. En bonne logique, on aurait d’ailleurs dû aller jusqu’à déduire que le Grand Débat était de la Grande Démocratie. Mais même Thomas Legrand n’a pas osé aller jusque là.
Comme tout le reste de la justification néolibérale du monde, cet argument-là est en train de partir en charpie, et n’est plus maintenu que par l’acharnement de quelques répétiteurs éditoriaux. Ce que valent la «démocratie», son «débat» et ses scrutins sous la garde des institutions de la Ve République et du cirque médiatique, une part croissante de la population commence à s’en faire une idée assez juste. Qui voit aussi de mieux en mieux, entre violences sociales, violences symboliques, violences langagières et violences policières, qui sont les vrais violents dans cette société.
On peut gager que, bientôt, plus grand monde ne se laissera arrêter par ce genre d’arguties, peut-être même plus ceux qui étaient pourtant le mieux disposés à y croire — la bourgeoisie «éduquée» — quand ils constateront que toutes les protestations pacifiques du monde ne dévient pas d’un iota le cours du désastre climatique et pandémique (3) — c’est-à-dire le cours du capitalisme. On peut compter, à ce moment-là, sur les derniers chiens de garde pour jeter, une fois de plus, l’opprobre sur les «violents». Et faire oublier, s’ils l’ont jamais sue, cette phrase du «meilleur d’entre eux», le révéré, l’embaumé JFK, qui, pas tout à fait conforme au modèle du bolchevique à couteau entre les dents, n’en savait pas moins que «ceux qui rendent une révolution pacifique impossible, rendent une révolution violente inévitable». L’histoire ne connaît pas d’autre responsables du niveau de violence que les dominants.
Conclusions provisoires
Il y a deux conclusions à ne pas tirer de tout ceci, plus une troisième qui s’en suit en les inversant — et elle à retenir.
La première conclusion déduirait que, si «la voie démocratique vers le socialisme», telle qu’Allende crut pouvoir la tenir, est impraticable, alors ne reste que l’alternative du statu quo ou du règne (peu démocratique…) des avant-gardes révolutionnaires. Comme toujours, les antinomies qui prétendent épuiser les possibles rendent inaccessibles tous les termes intermédiaires. Dont l’espace se rouvre sitôt qu’on cesse de tenir pour consistant le premier de ses termes : «démocratie». Car la première conclusion juste qui se déduit par inversion de la première conclusion fausse, c’est que la «démocratie» n’est qu’une terrible homonymie — si, pour l’heure, l’écrasante majorité s’y laisse prendre. La «démocratie» n’a rien à voir avec la démocratie — elle n’en est que le pâle simulacre en temps ordinaires, et le parfait retournement sitôt qu’on s’approche de ses points-limites. Un à qui la chose n’avait pas échappé, c’est Brecht : «Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie mais son évolution par temps de crise». C’est peu dire que ces dernières années en France, et dans beaucoup d’autres pays, donnent consistance à cette idée.
Brecht ne met pas de guillemets à «démocratie», mais on peut les mettre à sa place. Pour pouvoir aussitôt les enlever — et accéder à une idée de la démocratie sans guillemets. Car d’authentiques expériences démocratiques, qui ne s’affaissent pas dans le parlementarisme capitaliste (le vrai nom de la «démocratie»), nous en connaissons : Chiapas, Rojava, Catalogne 1936. Qu’elles existent ne nous dispense pas de nous poser la question de leurs conditions : conditions de formation, conditions de viabilité interne, de résistance à l’adversité externe, etc. Et encore moins de nous poser la question subsidiaire de la possible transposition, ou non, de ces conditions à notre situation propre. Mais elles existent et, même si la politique ne procède pas par décalcomanie, c’est une idée qui procure de l’agrément, de l’énergie, et un sens de l’orientation.
La deuxième conclusion erronée partirait de l’hypothèse (robuste) qu’en ce moment personne n’a envie de prendre les armes, pour en tirer qu’alors «rien» ne se passera. Ici il faut peser les arguments contradictoires. Le premier souligne que les sociétés bougent, leurs sensibilités se remanient, des choses possibles à une certaine époque cessent de l’être à une autre — par exemple un putsch de forces armées (en France aujourd’hui, ce ne serait d’ailleurs pas tant l’armée que la police), faire tirer sur la foule, etc. Il s’ensuit qu’une transition au «socialisme» (communisme), s’il est exclu qu’elle vienne de la voie parlementaire strictement, répondrait à des conditions moins tragiquement exigeantes que celle du Chili par exemple. Le deuxième argument tient au contraire que l’histoire est toujours capable de tout. On se souvient de la question lancinante de savoir comment un peuple de si haute culture que l’Allemagne avait été capable de la Shoah. Dans l’ordre de la fiction, c’est le réalisme à s’y méprendre qui rend impossible de se débarrasser du doute, ainsi du Complot contre l’Amérique de Philip Roth, où les États-Unis passent au fascisme sous la présidence d’un Charles Lindbergh aux sympathies ouvertement nazies. Qui pourrait garantir qu’en France il est inconcevable qu’on ouvre des stades? — d’ailleurs…
Lire aussi Serge Halimi, « Stratégie pour une reconquête », Le Monde diplomatique, septembre 2013.
Comme toujours, ce sont les circonstances concrètes qui trancheront entre ces tendances opposées — au moins est-il utile de n’en dénier aucune. Avec l’espoir que les armes n’aient rien à faire dans le processus — redisons que, pour l’heure, on ne voit pas trop qui se sent de les empoigner (à bien des égards c’est tant mieux), et que cette donnée aussi fait partie de l’analyse réaliste d’ensemble. Alors quoi? Alors la masse. La masse et ses irruptions ignorantes de l’ordre légal du capitalisme — d’autant plus réalisables qu’elle sera plus nombreuse. C’est ça la troisième conclusion.
La troisième conclusion, c’est celle qui, s’appuyant sur des expériences de pensée, certes imaginaires mais édifiantes, et sur des expériences réelles, commence par mesurer très exactement ce qu’elle peut espérer de la «voie démocratique», en fait assimilée par erreur à la voie électorale-parlementaire (interne au capitalisme). Puis qui, s’inspirant de nouveau de l’histoire, évalue ce dont l’oligarchie du capital est capable en situation de menace sérieuse. Qui, dans la période présente, ne s’abandonne pas non plus au seul pouvoir «chaotisant» du choc social (énorme) qui vient — le chaos n’a par soi aucune vertu progressiste. Enfin qui connaît son arme véritable : le nombre.
Frédéric Lordon
(1) Pour en avoir une vue globale : Franck Gaudichaud, Chili 1970-1973. Mille jours qui ébranlèrent le monde, Presses Universitaires de Rennes, 2013.
(2) Le tableau qu’en dresse Andreas Malm dans La chauve-souris et le capital (La Fabrique, 2020) est tout simplement saisissant (= totalement flippant).
(3) À cet égard lire Andreas Malm, Comment saboter un pipeline, La Fabrique, 2020.