Au soir du second tour, deux puissances émergeront du tripartisme.

Dans un système à trois puissances, il faut être l’une des deux. “ Cette formule – attribuée au chancelier Bismarck – résume l’enjeu essentiel du second tour des élections départementales. Au-delà du seul décompte des sièges gagnés ou perdus par les uns et les autres, ce n’est rien moins que l’amorce d’une totale recomposition du paysage politique qui pourrait cette fois sortir des urnes.

Tout s’accélère. A peine a-t-on pris conscience que le tripartisme est devenu une réalité de notre paysage politique qu’il faut déjà songer à la suite. Car cette réalité ne peut être qu’éphémère. Nos institutions engendrent et imposent la bipolarisation. Le scrutin majoritaire, en vigueur pour la plupart des scrutins, oblige à un jeu d’alliances autour de deux forces dominantes et structurantes, régnant chacune sur son camp.

Un ” système à trois puissances ” est sorti des urnes le 22  mars. Le Front national aspire à être ” l’une des deux “, et mise pour ce faire sur l’éclatement de l’UMP. C’est notamment à cette aune qu’il conviendra de lire les résultats du second tour. L’extrême droite qui, faute d’alliance, ne pouvait jusqu’à présent au mieux que provoquer des défaites, est désormais en mesure de l’emporter, seule. Cela change radicalement la donne. A droite, dans certains départements, le ” vote utile ” – pour battre la gauche – pourrait changer d’étiquette. A terme, c’est le statut de meilleur opposant à un exécutif fort mal en point qui est en jeu.

Absence de majoritéCette bataille-là ne s’achèvera pas lors de ces élections départementales. Il n’y aura pas de K.-O. mais, d’ici à l’élection des présidents des conseils départementaux, jeudi 2  avril, un premier round déterminant pour la suite d’une séquence électorale qui se conclura en  2017. Premier temps, dimanche : comment se comportera l’électorat de l’UMP dans les seconds tours FN-PS, voire dans les triangulaires où l’UMP s’est maintenue, mais en troisième position ? C’est peu de dire que les consignes émanant des instances nationales du parti de Nicolas Sarkozy n’ont pas été limpides. Certains responsables locaux de l’UMP, comme le secrétaire de la fédération du Gard, Jean-Paul Fournier, se sont d’ailleurs démarqués du ” ni-ni ” (ni FN ni PS) parisien en appelant à faire barrage à l’extrême droite. Cette confusion, dans un contexte de forte défiance vis-à-vis des partis, laissera les électeurs plus libres que jamais. Et l’on pourra mesurer le degré de porosité entre les électorats de droite et d’extrême droite, dont on a tout lieu de penser qu’il sera plus élevé qu’auparavant.

Sur la base du nombre de sièges obtenus s’ouvrira le second temps – non moins décisif – de ce round, qui se conclura le 2  avril. La parole sera alors aux élus. Le tripartisme encore en vigueur devrait déboucher sur une absence de majorité au sein de plusieurs des nouveaux conseils départementaux. Dans cette hypothèse, les négociations vont être serrées. L’objectif sera le même : être, des trois puissances, celle qui sera susceptible d’attirer à elle les voix manquantes pour obtenir la présidence. La pression, cette fois, risque fort d’être sur les élus UMP.

” Si nous n’avons pas la majorité – au conseil départemental – , personne ne l’aura “, prédisait récemment Julien Sanchez (FN). Pour le maire de Beaucaire (Gard), ” L’UMP devra faire un choix : soit s’allier avec les socialistes pour garder le département, soit nous apporter quelques voix pour que l’on prenne la présidence. ” En d’autres termes, le FN espère bien contraindre l’UMP à passer du ” ni-ni ” au ” ou-ou “, c’est-à-dire à choisir son camp. Compte tenu des divergences qui persistent à ce sujet à l’UMP, les déchirements qui s’ensuivraient pourraient affaiblir le parti. Et donner de nouveaux espoirs à l’extrême droite de devenir, à terme, ” l’une des deux ” puissances d’un paysage politique qui serait redevenu bipolaire.

Jean-Baptiste de Montvalon