La liberté d’expression est au cœur de la polémique déclenchée par l’essayiste.
De quoi la campagne anti-Zemmour est-elle le nom? Les déclarations de l’auteur du Suicide français au Corriere Della Seradonnent lieu à une bataille rangée dont l’enjeu dépasse largement leur auteur. Pour le député du Nord Sébastien Huyghe, porte-parole de l’UMP, le tort d’Éric Zemmour est d’avoir «fait le constat d’une ghettoïsation qui est une réalité en France». «J’en vois les conséquences tous les jours dans la banlieue de Lille, précise au Figarole «tombeur» de Martine Aubry aux législatives de 2002. Des responsables politiques locaux, souvent de gauche, ont encouragé la communautarisation de certains quartiers, pour des raisons électorales. Quand on leur met le nez dans leurs turpitudes, ça les dérange!»
«Pas forcément d’accord avec tout ce que dit Zemmour», Sébastien Huyghe juge que Bernard Cazeneuve et Bruno Le Roux ont tenu un langage «antidémocratique» en «demandant que l’on coupe la tête de quelqu’un qui dit des vérités qui dérangent». «C’est à la fois ma position et celle de l’UMP, qui a vocation à défendre la liberté d’expression contre la police de la pensée», nous précise-t-il.
C’est effectivement le ministre de l’Intérieur lui-même qui a sonné l’hallali, mardi, en appelant «tous les républicains à réagir et à manifester leur solidarité» avec «les musulmans de France odieusement attaqués». Le même jour, Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée, a appelé au boycott médiatique du chroniqueur du Figaroen affirmant: «Il est temps que les plateaux télé et les colonnes des journaux cessent d’abriter de tels propos. L’islamophobie est un racisme qui ne doit plus avoir pignon sur rue dans la République.»
«Exister médiatiquement»
Dans les rangs de l’UMP, la première réponse est venue de Claude Goasguen. Tout en «regrettant» qu’Éric Zemmour se soit «un peu laissé emporter» pour «exister médiatiquement», le député de Paris s’est indigné sur son blog que Bruno Le Roux se prenne pour «l’ordonnateur de la liberté de pensée».
La décision prise vendredi par i-Télé d’interrompre «Ça se dispute», conformément aux vœux du ministre de l’Intérieur et du patron des députés PS, a fait bondir au Front national. «La censure de Zemmour par i-Télé est détestable!», a tweeté Marine Le Pen, tandis que Louis Alliot, vice-président du FN, annonçait avoir annulé sa participation à la matinale de la chaîne d’information en continu de Canal Plus le 7 janvier. Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, a jugé que la «pensée unique» devait se sentir «bien faible pour interdire Zemmour». «Plus que jamais besoin de débat et de liberté en France!», a-t-il tweeté.
«Mieux vaut le débat avec Zemmour que l’uniformité intellectuelle!», a lancé François Fillon sur le même réseau social, tandis que son lieutenant Éric Ciotti écrivait que «l’éviction d’Éric Zemmour d’i-Télé n’est pas une bonne nouvelle pour la démocratie», avec le hashtag #policedelapensée. Le député UMP des Alpes-Maritimes a aussi félicité Jean-François Kahn, Nicolas Domenach et Daniel Cohn-Bendit «pour leur courage face au lynchage médiatique» du pamphlétaire.
Les réactions au traitement du «cas» Zemmour n’obéissent pas au clivage gauche-droite. L’UDI Rama Yade a relayé l’appel au boycott lancé par Bruno Le Roux en tweetant: «Dieudonné privé de “shows“ au motif que la liberté d’expression n’autorise pas tout». Et il faudrait supporter la dérive Zemmour encore 10 ans?» À l’inverse, Jean-Luc Mélenchon, par qui le scandale est arrivé, a estimé que «virer Zemmour» n’était «pas une décision utile à la lutte contre ses idées», tandis que Daniel Cohn-Bendit a défendu sa «présence dans l’espace public au nom de la liberté et de la diversité dans les médias».